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Cette première pièce écrite en 1950 par Eugène Ionesco est un coup d’essai et de maître. Jouée à de multiples reprises depuis sa création et toujours à l’affiche aujourd’hui, elle est couronnée par un Molière d’honneur en 1989.

 

La veine dramaturgique de l’auteur se déploie dans des splendeurs iconoclastes, incongrues et systématiquement inattendues, donnant ses premières lettres de noblesse au genre du « théâtre de l’absurde », dans la lignée d’Alfred Jarry et à l’instar de Beckett, Adamov ou de Obaldia. Puis de tous les auteurs contemporains qui ont suivi et développé la piste aux délices, s’en donnant à fière-joie, à cri-cœur et à voix-sans-issue plus souvent qu’à leur tour, de Tardieu à Dubillard, de Vian à Topor et d’Arrabal à Ribes, par exemple.

 

Quelle bonne idée a eu Eugène Ionesco de tenter d’apprendre l’anglais avec la méthode Assimil. Les expressions dépouillées de sens, les tournures étranges, les liens improbables entre les formulations, ont tôt fait de le séduire et de lui donner l’idée d’écrire une pièce absurde sur « l’anglais sans peine », premier tire donné à LA CANTATRICE CHAUVE.

 

Monsieur et madame Smith échangent dans leur salon des banalités redondantes mêlées à des saillies cocasses. La domestique vient leur annoncer l’arrivée d’un couple d’amis qui attendront seuls dans le salon que leurs hôtes s’habillent. Ceux-ci en profiteront pour faire connaissance et s’apercevoir qu’ils sont mari et femme. Tous les quatre réunis enfin, la décadence de sens se poursuit, la bonne s’en mêle et un capitaine des pompiers aussi. Le décalage est entier, il prend de l’ampleur, le délire est à son comble.

 

Il aurait été vain de compter les rires, les fous-rires nous en auraient empêchés. Le mitraillage de gags, d’enchainements de mots, de phrases et de scansions impossibles à comprendre comme les situations désopilantes nous obligent à nous réfugier dans l’acceptation de ce non-sens permanent.

 

Et cette horloge qui joue avec le temps autant qu’avec nos nerfs, qui sonne des nombres inconnus de toutes bonnes horloges normandes ou grand-bretonnes qui se respectent ! Ce n’est pas étrange tout de même ?

 

Pierre Pradinas signe ici une mise en scène démoniaque, alerte et au rythme fou, mettant en valeur le déroulement progressif de ces tonnes de riens qui déforment tout et son contraire. En vérité, on a craint à plusieurs reprises pour la santé mentale des comédien·nes et celle du public.

 

Jouer si finement et précisément comme assister à une telle représentation d’un irréel valsant dans les bras d’un surréalisme qui s’échappe, glissant sur un dadaïsme au sérieux qui dérape, jonglant avec les silences de l’attente, s’exposant à des colères mirifiques et des postures clownesques, cela relève de l’expérience cette affaire !

 

La distribution est éblouissante. Romane Bohringer (énergique et drolissime Mrs Smith impassible et improbable) et Stephan Wojtowicz (incroyable Mr Smith, sérieux comme un clown débridé) emportent dans un tourbillon incessant et ravageur Thierry Gimenez, Julie Lerat-Gersant, Aliénor Marcadé-Séchan et Matthieu Rozé, tous excellents.

 

Un spectacle immanquable pour sa puissance comique et son texte toujours autant surprenant.

 

 

 

D’Eugène Ionesco. Mise en scène de Pierre Pradinas. Scénographie d’Orazio Trotta et Simon Pradinas. Assistance à la mise en scène d’Aurélien Chaussade. Musique de Christophe « Disco » Minck et The Recyclers. Création des costumes d’Ariane Viallet. Régie générale d’Olivier Beauchet-Filleau. Régie son de Frédéric Bures. Régie lumière d’Orazio Trotta. Maquillage et coiffure de Catherine Saint Sever.

Avec Romane Bohringer, Thierry Gimenez, Julie Lerat-Gersant, Aliénor Marcadé-Séchan, Matthieu Rozé et Stephan Wojtowicz.

 

 

Du mardi au samedi à 19h00 et le dimanche à 17h00

30 avenue d’Italie, Paris 13ème

01.53.31.13.13 – www.le13emeart.com

 

- Photo © William Pestrimaux -

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