Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

 

Une pièce de Matéi Vișniec, ça ne se rate pas. On y court pour la dévorer et Dieu m’tripote dirait Desproges, il est rare de s’y fourvoyer. Sauf malchance éhontée et impudente, le mets est toujours succulent, la digestion facile et les relents de parfum trainent encore en sortant. C’était hier, c’était superbe. Merci et tant mieux, j’adore Vișniec.

 

Matéi Vișniec écrit cette pièce en 2011. Comme son œuvre en général, cette pièce courte semble questionner un thème récurrent, celui des rapports de l’individu avec le pouvoir obscur et écrasant de l’incertitude. Son écriture emprunte différentes tonalités jusqu’à se mettre en définitive dans la droite ligne de l’absurde.

 

Dans cette pièce, Vișniec crée autour de son personnage une réalité fuyante comme une recherche incessante de liberté d’action, de pensée et de parole. Son écriture colorée et chaleureuse est précise. Elle cisèle la narration sans compromis, la maintenant volontairement dans un onirisme appuyé qui s’écartèle entre non-sens et poésie.

 

Histoire d’amour en espérance ou en désuétude, Cet homme serait malade d’amour que je ne serais pas étonné. Il ne soignerait pas mais au contraire il entretiendrait ses plaies et se délecterait de ses souffrances avec un bonheur décalé, dans un ailleurs impossible, je ne serais pas surpris.

 

Il aime avec ferveur de tout son corps. Que dis-je de tout son corps ? De toutes les parties de son corps ! Ah ça mais oui, enfin non. Et pourtant si...

 

« Madame, je vais sortir mon cœur de ma poitrine et le poser sur la table »

 

La mise en scène de Serge Barbuscia est impressionnante. L’intérêt pour le texte nous capte immédiatement avec une efficacité superbe. L’effet spectaculaire est étonnant. Il le fallait bien pour ce texte. Nous sommes surpris à chaque détour du récit. Tant par la mise en vie des situations que par la direction de jeu, le spectacle jongle habilement entre respirations, silences, exclamations et profusion discursive éclatante et nourrie. Le texte de Vișniec ressort avec une violence et une tendresse mêlées qui nous perdent dans des abimes de doutes, de rêveries et de bercements.

La musique de Éric Craviatto est un petit bijou de réussite et accompagne surement et parfaitement l’univers de Vișniec. Apportant des couleurs, supportant les sensations, mariant gaité et étrangeté avec délice.

Pour cette pièce tout à fait significative de Vișniec, pièce à un seul personnage présent sur scène, il fallait un comédien qui tienne son rôle dignement, à la hauteur des mots, des illustrations qu’ils évoquent et de l’imagination qu’ils doivent suggérer et stimuler. Il est là ! je l’ai vu, j’y étais !... La magnifique interprétation de Salvatore Caltabiano fait ressortir avec un brio stupéfiant l’étrangeté du récit, la chaleur fine et profonde des sentiments et l’humanité profonde qui se dégagent de ce rêve éveillé, joyeux et bavard.

« Avec vos seins, madame, c'est différent. Mon escargot s'y sent, en quelque sorte, sécurisé, à l'abri, mis en confiance… Dis-moi, Basile, pourquoi préfères-tu les seins de madame ?... Mon escargot est fou de vous. Je ne sais pas si c'est le parfum de votre peau ou le rythme de votre respiration qui l'excite le plus. Regardez avec quelle fébrilité il est prêt à repartir, une fois qu'il a fait le tour complet de votre abdomen…Basile, ne te précipite pas ! »

 

Quelle histoire d’amour cocasse fait de troubles, de fragilités et finalement d’une étrange sensualité. Quel humour décalé et touchant. Que de belles images qui surgissent, surprenantes et délicates. Que de sensibles implorations se font jour, comme une forme de poétique de l’amour qui toujours ne sera jamais.

L’ensemble est savoureux et très malin. L’émotion donne la main au non-sens pour traverser le 4ème mur et passer la rampe. C’est un très beau moment.

Un spectacle qui illumine l’univers poétique et rugueux de Vișniec. Une mise en scène rieuse et éclatante. Un comédien formidable. Vous ai-je dit que j’adore Vișniec et qu’ici il est merveilleusement servi ? Courez-y !

Spectacle vu le 20 janvier 2019,

Frédéric Perez

 

De Matéi Vișniec. Mise en scène et scénographie : Serge Barbuscia. Musique originale : Eric Craviatto. Lumières : Sébastien Lebert. Construction du décor : Jean-Pierre Marmoz.

Avec : Salvatore Caltabiano et la voix de Dorothée Leveau.

Dimanche 27 janvier à 15h00 et lundis 14, 21, 28 janvier à 21h30
5 rue Blainville, Paris 5ème
COMMENT J’AI DRESSÉ UN ESCARGOT SUR TES SEINS au théâtre de la Contrescarpe
COMMENT J’AI DRESSÉ UN ESCARGOT SUR TES SEINS au théâtre de la Contrescarpe
COMMENT J’AI DRESSÉ UN ESCARGOT SUR TES SEINS au théâtre de la Contrescarpe
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :