L’IMPORTANCE D’ÊTRE CONSTANT au théâtre Hébertot

Ce spectacle est un délice d'élégance et de drôlerie. Le texte savoureux de Oscar Wilde sème son extravagance, sa dérision et son ironie dans un florilège de piques assassines sur les bonnes manières et les bonnes pensées de la société aristocratique anglaise du 19^ème siècle.

« Deux dandys de la haute société Londonienne découvrent qu’ils ont recours au même stratagème pour mener une double vie : ils s’inventent chacun un faux frère malade qui leur sert d’alibi, afin de satisfaire leurs escapades libertines. Mais l’amour vient à s’en mêler, et il leur faudra faire un choix. Jack et Algernon pourront- ils continuer à mentir ainsi à leur entourage ? Pourront-ils éviter que la vérité éclate auprès de leurs fiancées respectives ? C’est sans compter que la vénérable Tante Augusta veille à ce que la morale soit respectée en toute chose... croit-on. »

Oscar Wilde dépeint un éloge grandiose du mensonge et de la mystification, dans lequel se font piéger les deux jeunes hommes, lui rendant un hommage éhonté et glorifiant sa splendeur éclatante. Le tout baigné du fameux humour anglais dans toute sa brillante férocité narquoise et sarcastique.

Des saillies en tous genres cisèlent le texte. Petites bassesses subversives et grandes tromperies satiriques, roublardises mystificatrices et rebuffades drôlissimes, vérités agacées et lâchetés effrontées, tout est bon pour passer au crible de la moquerie les travers des conventions sociales et mondaines. C’est succulent.

Cette hilarante histoire recèle des rebondissements qui donnent l'occasion de retournements de situations systématiquement provoqués par les femmes. L’auteur renforce ici par ce contre-courant sa volonté signifiante et manifeste de provoquer son auditoire par ses propres convictions.

La mise en scène de Arnaud Denis assisté par Ariane Echallier donne un rythme alerte et crée une impression de délire ambiant où l'absurde et le burlesque se conjuguent et règnent, où les rires fusent et les sourires ne lâchent pas leur emprise. C'est décapant et délicieux.

L’ensemble du dispositif scénographique pétille de l’inventivité habituelle de Arnaud Denis. Avant-même le lever de rideau jusqu'aux rappels, les clins d'œil et les surprises abondent. Les situations, calées au cordeau, ont une précision métronomique. Mais on ne voit rien venir. Pris et surpris, nous sommes cueillis du début à la fin.

La musique enjouée façon « Charleston » de Bernard Vallery comme le style « Arts déco » du joli décor de Jean-Michel Adam, subtilement éclairé par les lumières de Cécile Trelluyer, et les somptueux costumes de Pauline Yaoua Zurini, renforcent le côté très élégant, faussement classieux, presque emprunté, venant s’opposer en la sublimant à l’arrogance insolente et déjantée, aux bords surréalistes, de la narration.

L'interprétation relève de l'excellence. Chaque rôle apporte son lot de réjouissance et sert le texte avec efficacité et superbe. Les apartés, les interactions comme les scènes de groupe fonctionnent à merveille. Quels talents ! Evelyne Buyle, Marie Coutance, Jean-Pierre Couturier, Arnaud Denis, Delphine Depardieu, Nicole Dubois, Gaston Richard, Olivier Sitruk et Fabrice Talon nous tiennent en haleine et en joie tout le long de la pièce. C’est admirablement bien fait.

Du théâtre de plaisir à l'esthétique soignée mettant en valeur la beauté du texte par une mise à feu et en délire du plateau, et par des jeux brillants et complémentaires d’une troupe débridée. Un superbe spectacle, très agréable et très drôle.

Spectacle vu le 30 septembre 2021

Frédéric Perez

De Oscar Wilde. Adaptation de Pierre Arcan. Mise en scène de Arnaud Denis assisté par Ariane Echallier.  Décors de Jean-Michel Adam. Lumières de Cécile Trelluyer. Costumes de Pauline Yaoua Zurini. Musique de Bernard Vallery.

Avec Evelyne Buyle, Marie Coutance, Jean-Pierre Couturier, Arnaud Denis, Delphine Depardieu, Nicole Dubois, Gaston Richard, Olivier Sitruk et Fabrice Talon.