Passion pour le théâtre surtout, pour la "Chose Artistique" en général, nous publions ici nos critiques et partageons des coups de cœur. Dans tous les cas, nous ne parlons que de ce que nous avons aimé. Contact : Frédéric Perez, membre du syndicat professionnel de la critique de théâtre, de musique et de danse.
C’est à un majestueux et dantesque poème onirique que nous convie cette représentation de « la ménagerie de verre » de Tennessee Williams, grâce à la lecture originale que nous propose le metteur en scène Daniel Jeanneteau.
Nous savons les affres que connut l’auteur dans son enfance, l’appui salvateur qu’il a trouvé dans la psychanalyse et le statut particulier qu’il confère dans son œuvre aux souvenirs.
La pièce (publiée en 1944) est construite, nous dit le narrateur dès le début, de bribes de mémoire. Autant de fragments de vie, hachurés et marqués du sceau de l’émotion qui en facilite le rappel. Elle échappe au réalisme pour se lover dans l’illusion, dans la transgression des relations névrotiques en les sublimant tout à fait.
Une histoire familiale trouble se dessine, faite de rendez-vous manqués, de fuites et de non-dits. Une mère tyrannique, épouse abandonnée, joue avec ses deux enfants devenus adultes comme avec ses souvenirs. Hagarde, revancharde et implacable, elle espère réinventer sa vie dans leurs réussites. Mais ils sont tous trois déjà tant accablés et marqués par le désespoir et une vaine espérance, qu’ils s’échouent tour à tour sur les rochers d’un impossible bonheur. L’arrivée de Jim, l’espéré fiancé de Laura, apporte un souffle d’espoir, une fugace illusion de fin heureuse qui retombe et s’estompe comme au réveil d’un rêve merveilleux.
La mise en scène donne une dimension délibérément onirique à la pièce, fixant la dramaturgie dans un « andante » un peu lent. Les décors font penser à un ring au plancher de velours, entouré de voiles transparents, où les personnages se livrent combat, s’acharnent et s’échinent pour s’en sortir, dans le dédain d’une irrévocable détresse.
Les comédiens Solène Arbel, Pierric Plathier, Olivier Werner et la sublime Dominique Reymond, dirigés avec précision, servent la pièce avec magie, ils incarnent, ils sont.
Une pièce majeure pour un spectacle aux allures de merveilleux, intense et imposant. Une très belle soirée.
Du mercredi au samedi à 20h30, le mardi à 19h30 et le dimanche à 15h30 - 15 rue Malte-Brun, Paris 20ème - 01.44.62.52.52 - www.colline.fr - Jusqu'au 28 avril puis en tournée.