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Impressionnant spectacle ! Splendide par sa facture et ses tournures, sensationnel par ses éclats et ses décalages, ce conte sans morale revêt une beauté magique, troublant du début à la fin et même après. Drôle de ses piquants doux et émouvant de ses sensations multiples touchant la personne et l'intime.

Nous savions que Joël Pommerat avait réécrit ce conte populaire avec une plume de féetaud mais voir ainsi le grandiose inimaginable qu’il en a fait, avec la réalisation toute en finesse qu’il a signée aussi, se révèle une expérience théâtrale rare et éblouissante.

Tout le temps de la représentation, nous vivons dans un ailleurs particulier où seules les belles histoires savent nous transporter. Nous en prenons plein les yeux, plein le cœur et plein l’enfance. Les mots, les images, les sons et les faits suggérés par ces séquences qui hachent le spectacle sans le détruire, comme autant de flashs oniriques ou de rêves courts, font mouche à chaque fois dans notre imaginaire et dans nos souvenirs. Il n’était pas une fois mais mille fois.

Combien de mots, d’images ou de sons viennent titiller notre imagination et notre inconscient comme des caresses enveloppantes et des flèches subliminales ? Nous ne pouvons pas le savoir mais le compte est bon et la fascination est grande.

L’inventivité et le point de vue de Joël Pommerat renversent les habitus et les stéréotypes véhiculés d'ordinaire par les contes de fées dont la transmission orale permet toutes les transpositions ou les actualisations des conteurs.

À la mort de sa mère, l’enfant Sandra entame un deuil iconoclaste et surprenant grâce auquel elle traverse les étapes progressives de son grandissement, de sa conquête de la vie malgré la mort. Sandra chemine entre les arbres qui ne cachent pas la forêt. Pommerat nous montre en effet que ce qui est dit ou compris peut ne pas être véritablement. Il y a dans le pouvoir des mots, de leurs erreurs et de leurs non-dits comme un jeu dans la mécanique du possible, un glissement de terrain dans les certitudes acquises, ancrées en nous par la tradition et la transmission.

Sandra avance farouchement dans sa vie comme nous dans son histoire. Sans savoir ce que nous allons découvrir entre vérité et vraisemblance, erreur et mensonge, caprice et désir, besoin et nécessité ou envie et fantasme. Le travail de deuil parait articulé chez Sandra-Cendrier-Cendrillon avec le travail des mots sur les maux, lui permettant de trouver son identité avec son émancipation.

Les symboles du conte traditionnel de Cendrillon, bousculés avec une nouveauté déconcertante et une caustique complicité, sont souvent retournés ou détournés. La fratrie non fraternelle mais soumise. La mort prématurée de la mère comme la marâtre hystérique mais fragile, avec ce père ni puissant ni protecteur, ne favorisent pas l’« oedipe » conventionnel. Un père pleutre qu’il faut prendre en charge. La sexualité qui s’acquiert avec la féminité, sans lien avec la symbolique de la pantoufle car ici, c’est Sandra qui demande au prince sa chaussure noire vernie !

La mise en scène de Pommerat, audacieuse et brillante, colore chaque instant de magie et de merveilleux. Le travail d’orfèvre effectué joue de la scénographie, des lumières, des musiques et des vidéos sans lourdeur, tout en légèreté. Il fait de ce temps-là un temps suspendu et unique.

La direction d’acteurs permet un joli et remarquable travail des comédiens. Chacune et chacun incarnent leurs personnages avec ardeur et simplicité, leur donnant une truculence plaisante et efficace. Du très beau travail.

Un incontournable spectacle pour un inoubliable bonheur de théâtre.

 

Une création théâtrale de Joël Pommerat d’après le mythe de Cendrillon. Mise en scène de Joël Pommerat. Scénographie / Lumière Eric Soyer. Costumes Isabelle Deffin. Son François Leymarie. Vidéo Renaud Rubiano. Musique originale Antonin Leymarie. Collaborateur artistique Philippe Carbonneaux.

Avec Alfredo Cañavate, Noémie Carcaud, Caroline Donnelly, Catherine Mestoussis, Nicolas Nore, Deborah Rouach, Marcella Carrara, Julien Desmet.
 

Du mardi au samedi à 20h30 et un dimanche sur deux à 16h00 – 18 boulevard Saint-Martin, Paris 10ème – 01.42.08.00.32 – www.portestmartin.com

- Photo © Cici Olsson -

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