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Pure illustration du théâtre Baroque, cette comédie de Pedro Calderón, crée en 1636, se rapproche de l’« auto sacramental » (pièce de théâtre espagnole basée sur une allégorie religieuse), genre dans lequel s’illustrera particulièrement Calderón dans la deuxième partie de son œuvre prolifique.

 

Ce long poème épique et métaphysique interroge sur l’existence, nous contant par épisodes une double-histoire dans laquelle nombre de sujets sont traités. La superstition aux astres nourrissant la croyance humaine ; les velléités de l’amour et de ses trahisons ; les marques de l’honneur traversées par la morale ; les soumissions au pouvoir politique.

 

Rosaura recherche son amant Astolphe pour se venger d'avoir été abandonnée. Le roi Basile appelle à ses côtés son fils Sigismond qu'il a emprisonné depuis l’enfance pour déjouer le destin promis par les astres. Les deux histoires vont se croiser et n’en faire qu’une et nous faire vivre des péripéties grandioses où la magie des images, l’onirisme des situations et la profusion des répliques nous envoutent et nous emportent, nous laissant étourdis.

 

La symbolique du songe, souvent présente dans le théâtre baroque, est utilisée ici par Calderón pour dresser un tableau foudroyant et complexe, baigné d’illusions permanentes, sur l’origine et l’apprentissage du bien et du mal, sur l’inné et l’acquis, le découvert et l’appris. Argumentées dans une langue riche et magnifique, les questions qui traversent le récit n’hésitent pas à nous interpeller par le biais des personnages.

 

« … Qu'est-ce que la vie ? Un délire.

Qu'est donc la vie ? Une illusion, une ombre, une fiction ;

le plus grand bien est peu de chose,

car toute la vie n'est qu'un songe,

et les songes rien que des songes. » (Extrait du monologue de Sigismond)

 

La vie ne serait pas l’essentiel de l’existence mais un préambule d'un au-delà. Vivre comme dans un rêve où vivre ses désirs, défier le mal et le temps.

 

Comédie du bien et du mal, tragédie du désir, cette pièce nous conduit à réfléchir sur ce qui fonde la sagesse et les notions d’amour, d’honneur et de pouvoir (triptyque récurent chez Calderón). Tout ce que nous appelons volontiers aujourd’hui : responsabilité, conscience de soi et liberté de pensée.

 

La mise en scène de Clément Poirée joue avec maestria dans le registre de l’étrange, du doute, du fondu-enchainé entre réel et mystifié, entre présent et suggéré. La scénographie soignée, les lumières et les sons éclatants aident à la fabulation. Les monologues et les dialogues cruciaux sont souvent données parmi le public ou proche de lui. Le tout est haletant et lent à la fois, la violence est discours.

 

Nous sommes dans un temps de théâtre particulier où le fabuleux côtoie l’invective et la drôlerie côtoie la sauvagerie. Les jeux des comédien·nes nous tiennent en haleine, leur diction est précise et les situations sont vécues avec un engagement forcené et élégant.

 

La distribution est brillante. Un bémol toutefois pour le personnage de Sigismond, joué « techniquement », moins habité que ses propos l’exigent sans doute. À noter, John Arnold en roi Basile qui explose d’ardeur et Morgane Nairaud qui étincelle en Rosaura.

 

Un spectacle lumineux, vivant et surprenant pour une pièce-phare de Pedro Calderón.

 

 

De Pedro Calderón. Mise en scène de Clément Poirée. Scénographie d’Erwan Creff. Lumières de Kevin Briard. Costumes d’Hanna Sjödin. Musiques de Stéphanie Gibert. Maquillages de Pauline Bry. Collaboration artistique de Margaux Eskenazi. Régie générale de Farid Laroussi.

Avec John Arnold, Louise Coldefy, Thibaut Corrion, Pierre Duprat, Laurent Ménoret, Morgane Nairaud, Makita Samba et Henri de Vasselot.

 


Du mardi au samedi à 20h00 et le dimanche à 16h00

Cartoucherie, route du Champ de Manœuvre, Paris 12ème  

01.43.28.36.36 - www.la-tempete.fr

 

- Photo © Antonia Bozzi -

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