Un énième interrogatoire au commissariat pour entrave à l’ordre public à l’occasion d’une énième manifestation (cette fois, contre la manif pour tous), ce n’est pas mal pour une énième rencontre entre une jeune femme et un policier ! Bon, cette rencontre prend des allures d’engueulade réciproque (si, si), cela fait désordre j’en conviens mais à bien y regarder et à bien écouter, cela n’a rien d’étonnant.
Ah ça pour être emmerdante, elle est emmerdante Mathilde ! Attention, je n’ai pas dit emmerdeuse hein ? non non, surtout pas ! Ses foudres risqueraient de faire exploser mes lunettes.
Oui mais bon, pour être honnête tout à fait, il faut bien dire aussi qu'il l’emmerde Louis, si nous pouvons filer la métaphore sans crier gare au loup du verbe propre ni faire grogner le chien de garde du beau-parlé.
Reconnaissons-le quoi, il lui pose toujours les mêmes questions, lui fait la morale, l’intimide, la menace et tout… Comment ? Elle fléchit ou en pâtit la p’tite ? Vous rigolez ou bien ? Elle éructe oui, elle se rebiffe, elle plastronne, elle détonne à tout va !
Mais que ce soit elle ou lui, je ne sais pas vous mais moi, je les trouve attachants tous les deux et pour tout dire, je ne me suis pas emmerdé un seul instant en leur compagnie, au contraire !
Ce spectacle écrit et joué par Jean-Christophe Barc et Meaghan Dendraël est une mitraillade ininterrompue de répliques drôles, intelligentes et affutées, jouée avec une malice hilarante et une sympathie chaleureuse des plus abouties.
Le texte s’amuse du rapport entre les bonnes et mauvaises raisons de manifester et parsèment des vérités qui ne sont pas piquées de vers sur l’ordre moral et social, la place de la révolte dans l’expression de la jeunesse, les contraintes administratives policières qui se confondent à des obstacles à la liberté d’expression. Bien sûr, c’est selon le coté du bureau où l’une ou l’autre parle.
Et toujours… Ce sourire en coin chez Louis le policier (attendri ou anéanti ? Nous le saurons bien assez tôt), qui nourrit avec un humour caustique et efficace, la joute qui l’oppose à Mathilde la manifestante, belliqueuse au quart de tour et d’une empathie incroyable du haut de ses 22 ans.
Quant à la fin, « Dieu m’tripote » comme dirait Desproges, elle pourrait bien faire rire l’évêque !
Une bonne tranche d'ironie sociale sur une bonne tranche d’écriture acerbe et saccageuse nous font de ce spectacle un délicieux moment de rigolade ni sotte ni moralisatrice. Du théâtre de plaisir comme on l’aime. À voir sans hésiter.
Une pièce de Jean-Christophe Barc et Meaghan Dendraël. Mise en scène de Jean-Christophe Barc. Lumières de Mathieu Le Cuffec. Sons de Maxime Richelme.
Avec Jean-Christophe Barc et Meaghan Dendraël.