Mais quelle est donc cette maladie dont souffre la famille M. ? Maladie de l’amour impalpable ou revêche ? Du désespoir qui sourd et ronge ? Des illusions évanescentes qui explosent comme des bulles de savon dès qu’elle touche la réalité ? De la mort qui rode et fauche toujours et encore ?
Quelles qu’en soient ses caractéristiques, le docteur Cristofolini, le médecin de famille, nous conte le récit des années passées à soigner la famille M., à l’écouter, à l’accompagner. Il en sera marqué à jamais par ce qu’il a vu, entendu et fait, même quand il partira de ce village après un symptôme de trop, celui qui touche l’homme plus que le praticien.
Écrite en 2006 par Fausto Paravidino, dramaturge contemporain italien, cette pièce oscille entre la comédie sociale au gout de farce drôle et acide, et la comédie dramatique réaliste aux accents aigus de la catharsis rieuse autant qu’émue, meurtrie de renoncements et éprise de rêves impossibles.
La famille M. porte des failles comme une maison trop fragile qui s’effrite. Ils s’aiment sans doute, se le disent parfois mais se comprennent-ils dans cette communication ambiante, faite de loupés, de supposés comme autant de va-et-vient incessants ?
« Nous, on croit rien du tout. Y a pas de nous et de toi. Y a rien du tout ».
Luigi, le père, flirte avec une sénilité augmentée par l’incompréhension de ce monde qui a tué son épouse à coups de médicaments. Marta, l’ainée, remplace la mère pour tenir le foyer jusqu’à oublier de vivre. Maria, la cadette, cherche à croquer la vie à pleine dents au risque de se mordre elle-même. Gianni, le benjamin, est celui qui ne grandit pas même si sa pensée le devance souvent, comme sa joie de vivre.
Marta : « Si tu étais libre de faire tout ce que tu veux, qu’est-ce que tu ferais ? »
Maria : « Je partirais ».
Et puis il y a Fulvio et Fabrizio, deux amis de toujours. L’un vit une relation avec Maria, relation qu’elle trouve vide et insatisfaisante. L’autre qui aimerait être aimé par Maria, lui offre des fleurs.
De quiproquos savoureux en scènes hyper réalistes à la tension palpable, les répliques et les situations nous embarquent dans une histoire de famille vécue au quotidien, avec ses riens et ses restes, dans une narration émouvante de passages à côté du bonheur qui se suivent sans laisser de traces sur lesquelles se reconstruire une nouvelle chance.
La mise en scène de Simon Fraud soigne une description précise des personnages dans un ensemble bien campé. Chaque personnage nous parle, nous saisit et nous intéresse, souvent avec une affection touchante, toujours avec une proximité efficace et sensible.
La distribution joue avec enthousiasme et un bel engagement, donnant toute la sincérité souhaitable à chacun des rôles. Justin Blanckaert, Antoine Berry-Roger, Clément Bernot, Andréa Brusque, Laura Chétrit, Victor Veyron et Boris Ventura Diaz nous montrent avec finesse et assurance, émotion et simplicité, les différents aspects de ces personnages attachants, baignés de tendresse, troublés et troublants par leurs destinées.
Une pièce majeure de Fausto Paravidino, un spectacle prenant et très bien joué que je recommande vivement.
Une pièce de Fausto Paravidino. Traduction Caroline Michel (éditions l'Arche Editeur). Mise en scène Simon Fraud. Scénographie Suzanne Barbaud. Création Lumière Cédric Le Ru. Création sonore Eskazed.
Avec Justin Blanckaert, Antoine Berry-Roger, Clément Bernot, Andréa Brusque, Laura Chétrit, Victor Veyron et Boris Ventura Diaz.
Du mardi au samedi à 20h00 et le dimanche à 16h00
103 A boulevard Auguste-Blanqui, Paris 13ème
01.45.88.62.22 www.theatre13.com