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Bérengère Dautun, illustre comédienne, ex-sociétaire de la comédie française, écrit pour la première fois un texte théâtral. Pour que cette grande dame des arts de la représentation décide de prendre la plume, il fallait que le sujet en vaille la peine, la passion et l’envie d’un partage évident et généreux.

C’est la personnalité hors du commun et les grands moments de l’histoire de vie sublime de Lou von Salomé qui feront cette cantate, cette ode à deux voix écrite pour nous. Pour connaître, découvrir ou redécouvrir une femme d’exception, un exemple de féminisme aboutie, totalement iconoclaste pour son époque, peu connue de nos jours.

Écrit avec la sincérité du cœur et la précision d’une documentation fournie et choisie pour la transmission de l’essentiel, le texte est riche, vibrant et merveilleux à la fois. Une narration jouée et stimulée par une parole didactique pénétrante, envoutante presque comme une confession dévoilée par une femme brillante qui se livre, stimulant la hargne d’agir pour être celle qu’elle décide d’être et qui combat pour le devenir.

Quinze tableaux parsèment le chemin de cette rencontre passionnante et singulière avec Lou von Salomé. De son enfance heureuse et protégée à la femme indépendante et libre qu’elle devient très tôt, elle parcourra le monde et les idées, s’engageant toujours et encore dans des recherches progressistes.

Passant de découverte en découverte, de la philosophie à la psychanalyse, de la littérature à la peinture et au théâtre, de la pensée politique à la question théologique, elle croisera des personnages importants de son temps, par amour, par affection et par intérêt mutuel pour les arts et les lettres, nourrissant sa quête incessante de liberté et de bonheur.

Nietzche, Rée, Klimt, Schnitzler, Frieda von Bülow, Anna Freud ou Sigmund Freud, seront notoirement des compagnes et des compagnons de parcours. Un amant romantique, Rainer Maria Rilke et un mari fidèle Friedrich Carl Andreas, seront ses deux repères affectifs dont elle saura s’éloigner à l’occasion pour vivre sa vie de femme émancipée.

La mise en scène d’Anne Bouvier tisse savamment les liens entre narrations et jeux, laissant aux illustrations musicales et filmées le soin de dresser le décor des tableaux qui se suivent et qui nous interpellent.

Il y a comme une allure de poésie impressionniste dans les jeux, du symbolisme lyrique dans les expressions. Il nous reste la sensation d'avoir entendu et vu à la fois une cantate biographique et un conte merveilleux.

Bérengère Dautun et Sylvia Roux incarnent Lou par opposition ou renforcement. Troublante sensation de miroir temporel entre ces comédiennes qui représentent la même femme. Nos impressions sont marquées tout autant, qu’il s’agisse de l'une ou de l’autre. L’ardeur de cette femme, égérie d’une époque, passe la rampe et résonne avec force et vibration au travers de ces deux présences qui n’en font qu’une.

Sylvia Roux joue Lou du début à la fin de la vie représentée. Bérengère Dautun joue Lou par éclats de présence. L’une et l’autre semblent jouer en écho, une combinaison réussie, onirique et enivrante. D’autres personnages joués par Bérengère Dautun, à l’aide d’accessoires signifiants, accompagnent le personnage de Lou.

Une narration jouée précise, haletante et passionnée qui éblouit le spectacle par la virtuosité et la musicalité des jeux.

Bérengère Dautun fait briller ses personnages d’une vigueur farouch et d’une incroyable volonté de convaincre  Sa diction parfois martelée et ses intonations ciselées nous touchent. Sylvia Roux irradie de son charme et de son engagement dans l’interprétation. Une magnifique comédienne qui incarne une Lou von Salomé solaire et fascinante à la sensualité fine et vibrante.

Un temps de théâtre singulier, riche et prenant. Une très belle présentation d’une égérie peu connue.

Voici une pépite du festival dont il serait dommage de se priver. Un spectacle incontournable que je recommande vivement.

 

Spectacle revu le 22 juillet 2018,

Frédéric Perez

 

De Bérengère Dautun. Mise en scène de Anne Bouvier assistée de Pierre Hélie. Scénographie de Marine Brosse. Images de Léonard. Conseil musical de Vincent Figureau. Costumes de Nine Vergès. Lumières de Denis Koransky.

Avec Bérengère Dautun et Sylvia Roux.

 

 

CANTATE POUR LOU VON SALOMÉ à l'Espace Roseau Teinturiers

 

à 16h55 jusqu’ au 29 juillet (relâche le 24 juillet)

 

- Photo © Béatrice Landré -

- Photo © Béatrice Landré -

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