Ce spectacle est construit à partir de cinq saynètes : Arrêt facultatif, Chacun son problème, Voilà tout, Le Dernier à partir, Crise à l’usine et de la courte pièce Paysage, tous écrits par Harold Pinter.
Un régal que cette gourmandise charmante et bien ficelée. Un spectacle des plus réussis du théâtre de Pinter.
Sans détour et à la verve toujours caustique et ciselée, d’une infinie précision, les textes sont joués avec adresse et efficacité, ils nous plongent dans un univers où le loufoque des situations côtoie la noirceur banale des personnages, leur cynisme parfois, quand ce n’est pas leur cruauté.
Les personnages semblent toujours se parler avec précaution, comme s’il ne fallait pas se livrer tout à fait ou se méfier de ce qui pourrait advenir si peut-être, enfin si jamais… Ils sont imprévisibles et fantasques, aux limites de l’étrange.
Quelle est cette vacuité dans les relations et en même temps quelles révélations distillent celles ou ceux qui paraissent devant nous ? On ne sait pas, on ne sait plus, on a cru comprendre et puis non, ce n'est pas sûr, c'est peut-être...
L’imaginaire vient combler les manques, les sensations les enveloppent, car l’humour de Pinter se fait souvent dérision et nous laisse parfois en suspens avec ce qui peut nous avoir semblé cohérent et qui n’est juste qu’un passage furtif en absurdie.
La construction du spectacle est fluide. La mise en scène de Corinne Charvet épargne le texte de tout appui inutile. Les images renvoyées par les situations semblent sortir d’un bain burlesque qui ne trahit pas le texte mais le colore, dans les tons et au rythme qui conviennent. Nous passons d’un moment à l’autre tout en restant dans le même univers pinteresque, cocasse et drôle.
C’est savoureux et finement joué. L’interprétation remarquable de Corinne Charvet et Yves Roux est de très belle tenue. Dignité, cynisme et causticité se conjuguent pour donner aux personnages une crédibilité incroyable et proche. Leurs paroles et leurs mouvements sont justes et servent avec précision un humour implacablement noir et cruel.
Un spectacle composite de textes de Pinter rare. Un spectacle qui ne peut que ravir les amateurs de ce grand auteur. Je recommande vivement.
Spectacle vu le 27 juillet 2018,
Frédéric Perez
De Harold Pinter. Mise en scène de Corinne Charvet. Création lumière de Stéphane Aymé.
Avec Corinne Charvet et Yves Roux.