Un spectacle drôle en permanence qui nous ravit par sa légèreté faussement naïve cachant de succulents non-dits, des malentendus inavoués et des passages à l’acte impromptus teintés de surréalisme. Nous voici entraînés dans une farandole de rebonds burlesques et savoureux.
Les répliques fusent et surprennent, les situations cocasses se succèdent et nous cueillent, la pièce vogue dans les eaux troublées et pétillantes d’un univers décalé et franchement déjanté. Bourré de dérision, d’ironie et de ruptures, le texte adapté du roman éponyme de David Foenkinos se révèle d’une théâtralité à l’efficacité saisissante, aux jeux souvent hilarants et aux découpages astucieux.
La famille du jeune Hector, d’une rigidité petite bourgeoise aux principes un bon peu réactionnaires, baignant dans son ignorance crasse et ricochant de castration en castration de plaisirs…
Le collectionnisme d’Hector, entre névrose pathogène et comportement asocial, qui bouscule l’image de soi jusqu’à lui donner envie de se soustraire pour mieux se conformer…
Sa relation amoureuse, perturbée par le désir de conformité prescrit dans le roman familial, par sa volonté d’abstinence du besoin de possession des objets et par la sexualité qu’il découvre au hasard d’un rayon de bibliothèque en rencontrant Brigitte (on ne dira jamais assez tout le bien des bibliothèques) …
Et puis, Hector et Brigitte se marient, enfin quand même. Ils se découvrent des fantasmes sexuels complémentaires et surtout vont permettre de faire le jour sur le potentiel érotique de Brigitte.
Hector qui croyait s’être sorti grâce au mariage et à la paternité, de la collectionnite d’objets, sans point de saturation, se trouve tout à coup confronté à une nouvelle addiction. Cette fois-ci, son besoin de possession sera sublimé sur un geste de Brigitte (on ne dira jamais assez tout le bien du lavage des vitres en milieu confiné).
Alambiquée façon sournoise, la fausse simplicité du récit déclenche rires et surprises tout en surfant sur des questions moins anodines.
Quand le fantasme rencontre l’obsession, qu’en est-il de la passion amoureuse, de la quiétude d’un couple, du désir et de la pulsion ? Jusqu’où tolérer que le besoin de conformité s’oppose au plaisir, que la sexualité soit lisse comme du sable tamisé le matin tôt par des plagistes en nage ? (on ne dira jamais assez tout le bien des fantasmes dans la sexualité).
Le parti-pris de l’adaptation de Sophie Accard et Léonard Prain, et de la mise en scène de Sophie Accard apporte une fluidité agréable et un rythme alerte qui conviennent tout à fait. Le narrateur devient très vite complice. Les personnages passent en revue les nombreuses situations du récit avec une redoutable vélocité.
La distribution est brillante et s’empare des multiples rôles avec un délice amusé et communicatif. Sophie Accard, Léonard Boissier, Jacques Dupont, Benjamin Lhommas (impressionnante vis comica), Anaïs Merienne et Léonard Prain sont toutes et tous convaincants, plein de fougue et d’une précision impeccable. Une fichue bonne équipe !
Un spectacle divertissant qui bouscule et brocarde avec ardeur et drôlerie. Un texte succulent dans une adaptation réussie et très bien jouée. Je recommande vivement cette agréable comédie de rentrée.
Spectacle vu le 28 août 2018,
Frédéric Perez
De David Foenkinos (texte original édité aux Editions Gallimard). Adaptation Sophie Accard et Léonard Prain. Mise en scène de Sophie Accard. Scénographie de Blandine Vieillot. Lumières de Sébastien Lanoue. Costumes de Atossa. Musique de Cascadeur.
Avec Sophie Accard, Léonard Boissier, Jacques Dupont, Benjamin Lhommas, Anaïs Merienne et Léonard Prain.