Un spectacle délibérément provocateur de la conscience politique et sociale du public mais un spectacle tout à fait et avant tout. Une forme proche d’un théâtre documentaire, engagé et spectaculaire.
Un théâtre aux allures du « théâtre forum » de Augusto Boal ou du « théâtre à bruler » de Dario Fo. Aux limites de l’acclamation d’un crieur public. Aux ressemblances poétiques d’un aède parcourant la cité posant ici ou là, à la manière d’un raconteur, des informations vérifiées et troublantes.
Des réalités incontestables par leurs sources et restituées comme de véritables questions porteuses de sens sur le monde tel qu’il va et sur la place de la femme parmi les hommes notamment.
« Pendant plus de deux ans, Nicolas Bonneau a suivi des femmes politiques dans leur quotidien. Femmes de gauche ou de droite, élues locales et nationales. Il en dresse ainsi une série de portraits émouvants ou caustiques tout en interrogeant sa propre domination masculine. »
Le texte oscille entre dénonciation et démonstration, entre témoignage réel et fiction parsemée de libres paroles. Des références à l’Histoire, de la mythologie à l’actualité contemporaine.
L’écriture caustique et intrusive de Nicolas Bonneau et Fanny Chériaux puise autant dans la moquerie du système institué pour en révéler l’audace et le ridicule que dans les sarcasmes bien sentis et savamment posés sur les codes culturels et moraux portés par la tradition essentiellement machiste des civilisations successives.
Codes qui fondent le système. La boucle est bouclée, verrouillée même. C’est adroit, riche et captivant.
La démarche des auteurs déroule avec obstination une action volontariste d’énonciation qui utilise l’expression artistique pour magnifier les messages, leur donner un accès le plus aisé possible, usant de l’humour, d’onirisme et de jeux avec l’image et le son dans les situations comme avec les textes.
Parler ainsi de la cause des femmes. Oser poser pour l’interroger son propre rapport à la domination masculine. Utiliser les propos de femmes illustres et emblématiques du combat pour l’égalité des droits entre les hommes et les femmes, proposant par là-même une définition simple et révélatrice de la notion de féminisme. Ce parti-pris est remarquable et nécessaire.
Nous sommes touchés et troublés car tous et toutes concerné·e·s. De l’utopie féministe au combat permanent pour une réalité féministe.
L’interprétation emprunte à la narration ce que le jeu ne peut restituer. La narrateur harangue directement le public avec des adresses habiles, un rien agressives. Les situations jouées le sont sans qu’on s’en aperçoive. Nicolas Bonneau est un comédien qui joue avec excellence, il est crédible tout à fait et nous emporte totalement dans ces différents tableaux, ces bribes d’interviews ou de récits de vie qui se succèdent.
C’est très bien fait. C’est beau. L’émotion n’est jamais loin.
Un spectacle instruit et instructif, drôle et captivant. Du théâtre comme on aime, qui fait appel à l’intelligence et aux sensations du public. Un rendez-vous bienfaisant et immanquable que j’ai plaisir à recommander.
Spectacle vu le 24 janvier 2019,
Frédéric Perez
Un spectacle de Nicolas Bonneau et Fanny Chériaux. Mise en scène de Gaëlle Héraut. Création musicale de Fannytastic. Scénographie de Gaëlle Bouilly assistée de Cellule B. Costumes de Cécile Pelletier. Création lumière de Rodrigue Bernard. Création son de Gildas Gaboriau. Régie de Xavier Jeannot et Cynthia Lhopitalliere. Stagiaire à la mise en scène Chloé Jauset.
Interprété par Nicolas Bonneau.