Alerte et rythmé joyeusement, comme un conte aux allures de fable, ce savoureux spectacle est une plongée toute en douceurs de narration baignée d'amour et parsemée tout le long de pointes d’humeur et de bouffées d’humour. Une plongée souriante et émouvante dans l'histoire de l'enfance d'un génie, celle de Albert Einstein, cet « enfant à part ».
« Albert Einstein est un enfant différent, son esprit dépasse les barrières. Il veut tout comprendre, qu’on lui explique le monde. Derrière le grand génie, prix Nobel de Physique, se cache un enfant malicieux qui a trouvé sa voie. »
« Trop gros » peut être et « trop doué » sans aucun doute, Albert se réfugie dès son plus jeune âge dans la quête de connaissances pour échapper aux souffrances et aux humiliations du regard des autres sur sa différence. Accompagné de sa solitude et caché dans ses nombreux recoins du savoir, il égrènera sa sempiternelle kyrielle de questions qui occupent sa pensée en permanence. Comme le fil d'Ariane de sa quête existentielle, comme la fabrication autodélivrante de ses propres étais identitaires. Des questions en forme de « pourquoi » pour comprendre et penser l’univers.
Cet enfant, dyslexique et parleur tardif non pathologique, qui montrera finalement au monde entier son intelligence géniale au service de la créativité, est un exemple de volonté et de confiance en soi qui a dû mener combat contre l’incompréhension qu’il générait, à l’école comme à la maison. On a souvent douté de lui, pas lui.
Au-delà de son apport biographique documenté, tiré du livre de Brigitte Kernel « Le monde selon Albert Einstein » publié chez Flammarion Jeunesse, l’intérêt manifeste de cette adaptation théâtrale réside dans l’illustration détonante du parcours volontariste de cet enfant au comportement singulier qui a su allier sentiment de compétence et estime de soi. En cela tout d’abord, le message simple et puissant de ce récit est spectaculaire et exemplaire. En cela surtout, ce spectacle est à montrer au plus grand nombre.
Le jeune Albert était entouré de bienveillance par sa famille et ses proches. Cet élément protecteur dans son parcours éducatif et social est bien sûr essentiel dans la structuration de sa personnalité. La narration ne l’oublie pas. Jusque dans la mise en vie des éléments dramaturgiques, placement des personnages, des accessoires et du décor, des plongées de lumières.
La scénographie est construite en ovale ouvert vers le quatrième mur, un tableau/mur/porte-manteau incurvé est posé centralement au fond, les bancs placés en épis à cour et à jardin, les personnages jouant souvent au milieu, surtout celui d’Albert, présent en permanence sur le plateau. Cette construction favorise l’invitation du public, au-delà du quatrième mur, à protéger lui-aussi Albert et ce qui se joue autour de lui. Illusion ou désir, le public est pris et touché dans le jeu captivant qui se développe devant lui.
La mise en scène de Victoire Berger-Perrin centre l’attention sur le fil narratif, sans appuis ni effets ajoutés. Le récit théâtral est fluide suivant le flux des sensations que la conjugaison des situations et des propos charrie.
La distribution excelle de justesse et de vérité. Les jeux sont naturalistes, développant toutefois un réalisme poétique que permet l’alternance continuée et par le fait floutée de la narration et des situations jouées, réalisée à vue.
Tadrina Hocking et Thomas Lempire sont littéralement époustouflants d’adresse et de crédibilité dans cette imposante palette de personnages qu’ils font se succéder avec ardeur et facilité. Sylvia Roux est purement étonnante dans le rôle d’Albert, totalement incarné. Il a dix ans, c’est bien lui. Il est solaire et attachant, c’est pourtant bien elle, Sylvia Roux, une comédienne de grande classe qui réalise ici une exceptionnelle et délicate interprétation. Chapeau bas mesdemoiselles et monsieur !
Un spectacle de grande valeur, prégnant et habile, souriant et intelligent. Une première création de la toute nouvelle compagnie « Juste là » à saluer, prouesse réussie de bon augure. Je conseille vivement ce brillant et impressionnant spectacle pour petits et grands. C’est très bon, courez-y !
Spectacle vu le 30 octobre 2021
Frédéric Perez
De Brigitte Kernel. Adaptation de Brigitte Kernel, Sylvia Roux et Thomas Lempire. Mise en scène de Victoire Berger-Perrin. Scénographie de Caroline Mexme. Musique et sons de Pierre-Antoine Durand. Lumières de Stéphane Baquet. Costumes de Judith Husch. Perruque de Lou Valérie Dubuis.
Avec Tadrina Hocking, Thomas Lempire et Sylvia Roux.
Les samedis à 17h00
78 bis Boulevard des Batignolles Paris 17ème
01.42.93.13.04 www.studiohebertot.com