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Un spectacle de théâtre visuel déroutant de prime abord tant il est de facture inhabituelle et apporte des sensations inattendues, où les sons bruités s’imposent avec des atours incongrus quasi iconoclastes mais n’occultent d’aucune façon la narration du récit au réalisme onirique marqué.

Le jeu des deux comédiens, impeccablement tenace et adroit, évolue dans cet univers millimétré aux allures mécaniques et aux aspects étranges. Un univers qui relève du merveilleux des contes dans lequel il est bon de laisser voleter l’imaginaire là où les mots et les images nous emmènent.

« Frantz, jeune actif à la vie réglée comme un métronome, voit son existence se déglinguer peu à peu quand un de ses proches casse subitement sa pipe. Face au vide qui s’installe, Frantz réalise assez peu de chose si ce n’est que primo : il ne peut plus vivre ainsi, deuzio : il va quand même bien falloir trouver une autre façon de vivre. La rengaine quotidienne s’effondre et un destin déboule. Avec fracas. »

Frantz est un des nombreux personnages cathartiques en pleine quête identitaire, dont le théâtre sait nous imposer la présence en miroir. Le fil narratif, tout ténu qu’il soit, offre un composé de suggestions multiples. Reste au spectateur d’y voir surgir les bribes de l’enfance, les signes d’emprisonnement d’un quotidien répétitif et lassant ou encore les cassures de vie imposées par les deuils. Frantz nous montre sans parler ou si peu, un cheminement qui le conduit, de réminiscence en réminiscence, à une forme de prise de conscience de soi.

L'auteur Marc Granier réalise une mise en scène calée au cordeau. Traité façon cartoon par moments, le récit théâtral et sonore baigne dans le ludique et l’absurde. Si nous rions volontiers de la dérision ambiante, des ruptures et des gags discrets parsemés ici et là, nous sommes touchés par l’empathie que dégage le personnage de Frantz (très habile Paul Ménage), la compassion parfois froide et cynique du narrateur et la présence sensible du personnage du père (joués efficacement par Louis Kientz).

La succession des multiples postures et mouvements sans parole et des silences occupés par le bruitage des moindres gestes de Frantz constitue une part essentielle du spectacle. Les bruiteurs Clara Lloret Parra, Chloé Louis et Samy Morri, présents en fond de plateau, s’activent avec toutes sortes d’objets. Du tuyau d’arrosage qui fait entendre les harmoniques naturelles aux clés polygonales pour les sons métalliques en passant par des brosses, des bidons, de l’eau dans un sceau et leurs voix. Tout un instrumentarium improbable dont ces artistes du bruit tirent des effets spectaculaires, mis au point avec une adresse inouïe.

Le bruitage comme la lumière de Johannes Johnström créent une ambiance éthérée, quasi irréelle et renforcent cette impression de solitude scandée par les habitudes et le désarroi de Frantz, seul avec lui-même et ses choix à faire.

Voici un spectacle étonnant et attractif par sa forme insolite où la dérision et l’onirisme s’allient pour nous raconter dans une sorte de poétique humaniste et drôle, pleine d’espoir, l’histoire de Frantz, celui qui peut-être ne lâchera pas prise. Un spectacle d’une jeune compagnie à découvrir sans hésiter.

 

Spectacle vu le 3 octobre 2021

Frédéric Perez

 

 

Texte et mise en scène de Marc Granier. Lumières de Johannes Johnström.

Avec Louis Kientz, Clara Lloret Parra, Chloé Louis, Paul Ménage et Samy Morri.

 

 

Jusqu’au 26 octobre

Les dimanches, lundis et mardis à 19h00

3 rue des déchargeurs, Paris 1er  

01.42.36.00.50 www.lesdechargeurs.fr

 

Photo © Yann Boyenval

Photo © Yann Boyenval

Photo © Yann Boyenval

Photo © Yann Boyenval

Photo © Yann Boyenval

Photo © Yann Boyenval

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