Original et inattendu, ce spectacle musical éblouit par sa cocasserie ravageuse et son impeccable mise en vie. On s’attend à tout et on ne voit rien venir, ou presque. L’imagination est stimulée en permanence, le rire l’accompagne et l’émotion se fait enveloppante tant les sensations sont multiples et inclassables, toujours surprenantes.
« Tout commence par un effondrement : celui d’une maison comme celui d’une musique. Sur scène, l’espace se déconstruit au fur et à mesure des histoires qui s’y déroulent, à l’image des abattements ressentis par les personnages, en accord avec cette musique en apparence parfaite. Ces fins seront pour les protagonistes des tentatives de débuts, des points de départ pour la construction de nouvelles fictions. »
Effondrement est le maitre de mot de cette narration autant visuelle que musicale, mais effondrement de quoi ou de qui ? Il y a comme un jeu perfide et continu entre le réalisme et le surréalisme, l’absurde et le décalé. Une sorte de vases communicants entre la matière qui s’effondre et les nouvelles visions qu’elle fait apparaitre. Sans tambour à bas bruit ou sans amour avec fracas ? Les murs tombent comme un amour qui se brise.
Le fil narratif se déroule dans un univers sonore fait de mélange de bruits et de sons portés. Les lieder de Schumann sont triturés, aménagés, étirés comme dans un sphère onirique et fantasmagorique. Un cauchemar, une métaphore, une fable ? On ne sait pas, et après tout, tant mieux. Place est laissée à notre perception, à nos rires de couverture ou d’éclats de surprise.
La mise en scène de Samuel Achache est subtilement construite pour nous faire croire à une proposition qui tient de guingois comme pour se déjouer d’un trop plein de sérieux. Une dramaturgie qui remplace tout académisme en plaçant haut la fantaisie clownesque d’un récit improbable que nous comprenons pourtant.
L’interprétation est saisissante de clarté, de justesse et d’abattage. Gulrim Choï, Lionel Dray, Antonin-Tri Hoang, Florent Hubert, Sébastien Innocenti, Sarah Le Picard, Léo-Antonin Lutinier, Agathe Peyrat et Ève Risser nous offrent une impressionnante combinaison de jeux de comédie, de jeux instruentaux et de chants impeccablement donnés.
Un spectacle admirable et mémorable. Nous en sortons rieurs, souriants puis pensifs. Iconoclaste et incontournable découverte.
Spectacle vu le 12 juillet,
Frédéric Perez
Mise en scène Samuel Achache. Arrangements collectifs à partir de lieder de Robert Schumann tirés de Liederkreiss op.39, Frauenliebe und Leben Op.42, Myrthen op. 25, Dichterliebe op 48, Liederkreiss op.24. Direction musicale Florent Hubert. Collaboration à la dramaturgie Sarah Le Picard, Lucile Rose. Scénographie Lisa Navarro. Lumière César Godefroy. Costumes Pauline Kieffer. Assistanat costumes et accessoires Eloïse Simonis.
Avec Gulrim Choï, Lionel Dray, Antonin-Tri Hoang, Florent Hubert, Sébastien Innocenti, Sarah Le Picard, Léo-Antonin Lutinier, Agathe Peyrat et Ève Risser.
Jusqu’au 13 juillet au Cloître des Carmes.
Puis en tournée
Le 9 novembre à Meudon, le 16 novembre à Narbonne, du 1er au 11 décembre au TGP de Saint-Denis, du 10 au 12 janvier 2023 à Nancy, les 24 et 25 janvier à Pau, les 3 et 4 février à Cergy-Pontoise, du 22 février au 5 mars au théâtre des Bouffes du Nord à Paris et d’autres dates à suivre…