Quel plaisir de plonger à nouveau dans l’œuvre de Boris Vian, cet illustre trublion politico-poétique. Un spectacle musical fait de ses poésies choisies, interprétées avec engouement et saveurs, dites et jouées par deux compères convaincus et convaincants.
« Fêtard, musicien, poète, inventeur, bricoleur : l’illustre Boris Vian vous invite chez lui ! À travers sa poésie, il offre une vision authentique de sa vie, ses folies, ses maux et ses joies. Un spectacle poético-musical où l’amitié profonde et la sensibilité enflamment les poèmes de Boris Vian avec une bonne dose d’auto-dérision, pour rire, aussi, qui donne la sensation d’observer l’artiste en intense conversation avec lui-même. »
C’est le troisième spectacle que le musicien Guillaume Barre et le comédien Jonathan Perrein consacrent à Vian. Nous comprenons et partageons leur intérêt en savourant ce dernier opus rageur et caressant.
Ils ont puisé dans trois recueils de poésie : les fameux « Cent sonnets » de jeunesse, « Cantilène en gelées » et « Je voudrais pas crever » pour élaborer cette farandole de ricochets prosodiques aux rimes d’humour et d’impertinence, de mots en fleurs prenant parfois des atours de calembours. L’enchainement fluide des textes illustre avec sensibilité la langue âpre et colorée de Boris Vian, dans une ambiance musicale utilisant un vocodeur, une boite à rythmes aux sons aigres ou timbrés de graves profonds que la guitare sèche vient contrebalancer.
L’adaptation à la forme théâtrale se révèle judicieuse pour déverser le temps d’un temps cette tempête de perles et de bulles, de mots qui accrochent et enveloppent de velours la pensée poétique de l’un des plus iconoclastes des pataphysiciens, s’il en est. Le pastiche, la tristesse du désespoir comme la dérision sociale ou autocentrée y trouvent bonne place et témoignent des caractéristiques emblématiques des textes.
La mise en scène de Georgina Ridealgh et de Jonathan Perrein, vive et espiègle, attractive et chaleureuse, sait nous tenir en alerte. Des percées de beauté lumineuse et sautillante passe la rampe et charrient des sensations jusqu’à nous.
Guillaume Barre et Jonathan Perrein nous emmènent dans cette proposition curieuse baignée de sympathie complice. Ces deux-là nous cueillent et nous captivent, à la manière des aèdes d’antan venant surprendre les chalands pour leur dire l’essentiel, ici la poésie de Boris Vian.
Un spectacle idéal pour retrouver ou découvrir un aperçu gourmand de l’œuvre de Boris Vian. Accessible et détonant, voici un agréable moment de théâtre poétique et musical des plus inattendus. Je conseille vivement.
Spectacle vu le 1 avril 2024
Frédéric Perez
D’après les recueils de poésies de Boris Vian. Mise en scène de Georgina Ridealgh et Jonathan Perrein. Création musicale de Guillaume Barre.
Avec Guillaume Barre et Jonathan Perrein
Les lundis et mardis jusqu’au 14 mai
https://www.essaion-theatre.com/spectacle/1054_je-voudrais-pas-crever.html