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Un spectacle singulier comme une promenade imaginaire, éclairée et complice, teintée de mélancolie douce et de distance ironique, aux côtés d’un auteur. Une promenade qui devient une traversée plongeante avec Flaubert, s’il vous plait, dans des bribes de sa correspondance et des extraits du roman majeur de son œuvre, « Madame Bovary ».

Le spectacle est ainsi construit qu’il nous permet d’écouter et de ressentir au temps réel de ce qui est lu et joué, et le regard de l’auteur sur son ouvrage au travers d’échanges épistolaires, et l’ouvrage lui-même par l’entremise des artistes au plateau. Apparaissent alors clairement, en miroir du cheminement romanesque de la vie d’Emma Bovary, les doutes et les volontés de Flaubert quant à l’écriture de son roman réaliste à visée naturaliste et aux fondements romantiques, qu’il mit quatre années à peaufiner. Et toujours, en filigrane, ses velléités de vérité dans la description des personnages et le déroulement de l’intrigue.

« Le destin tragique d’Emma Bovary dans sa quête d’idéal, entre amants scélérats et amoureux transis, entre misère campagnarde et ineptie des villes. Une tragédie toujours d’actualité dans un système basé sur l’insatisfaction et le renouvellement permanent de nos désirs. »

Savamment échafaudé par Nicolas Alvedin, adaptateur et metteur en scène, un patchwork savoureux de façons de récit nous emporte dès le début. Chansons en solo ou en duo, extraits de lettres de proches et de morceaux illustratifs du roman nous baignent dans les émois troublés et troublants de cette icône de l’amour impossible. Tout y est. Langueur de vivre, désillusion harassante et continue, suspendues le temps de vaines amourettes, entremêlées de désirs ardents, sensuels et évanescents, jamais pleinement assouvis. « d’où venait cette insuffisance de la vie ? »

Nicolas Alvedin et Anna Amichia sont en complémentarité parfaite. Qu’ils lisent ou qu’ils jouent, notre attention est retenue de bout en bout. Leurs voies chantées ou parlées sonnent juste et donnent par les timbres, le débit, la diction et l’engagement, une résonnance crédible et percutante qui nous rapprochent souvent de l’émotion. À noter la superbe prestation au piano de Julien Antona-Jamet qui sait souligner l’humeur des jeux ou les apaiser sans jamais écraser ni minorer les moments. Il contribue efficacement à la musicalité de l’ensemble. Un excellent accompagnateur à n'en pas douter.

Une magnifique illustration de ce roman illustre, de son contexte et des choix si personnels de son auteur. Un remarquable spectacle tant dans son écriture et sa mise en vie que dans son interprétation. Je conseille vivement cette inédite proposition.

 

Spectacle vu le 5 avril 2022

Frédéric Perez

 

D’après « Madame Bovary » et de la correspondance de Gustave Flaubert. Adaptation et mise en scène de Nicolas Alvedin. Lumières de Yaya Doumbia.

Avec Nicolas Alvedin et Anna Amichia, accompagnés par Julien Antona-Jamet au piano.

 

 

Jusqu’au 27 avril

Les mardis et mercredis à 19h00

3 rue des Déchargeurs, Paris 1er  

01.42.36.00.02  www.lesdechargeurs.fr

 

Photo © Scherazad Essefi

Photo © Scherazad Essefi

Photo © Scherazad Essefi

Photo © Scherazad Essefi

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