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Comme elle est intéressante cette comédie à la légèreté apparente qui cache sans aucun doute son lot de double-fonds, son pesant d'importance. Car enfin, cette comédie de caractère doublée d'une comédie de situation n'est-elle pas un joli prétexte pour camper trois personnages bien trempés et les laisser nous entreprendre des rouages de l'altérité parfois grippés ou tus, souvent enrayés ? Des rouages freinés par des obstacles à contourner, des résistances à combattre, des évitements à débusquer pour ensuite, peut-être, obtenir que les relations s'apprivoisent et s’apaisent.

« Manu, comédien, a reçu la pièce de théâtre d'une inconnue, Jeanne. Il invite chez lui son ami Thibaud, comédien lui aussi, pour une lecture du texte. Mais entre eux le désaccord s'avère total. Si Manu manifeste un certain enthousiasme pour la pièce, Thibaud la trouve totalement dénuée d'intérêt. Chacun tente en vain de convaincre l'autre lorsque Jeanne débarque ! Son arrivée va totalement brouiller les cartes… »

Il y a comme un jeu de « cache-cache » entre eux-trois, sans duperie apparente perfide ou fallacieuse. Un « qui cherche trouve » qui ne dit pas son nom mais qui permet de se parler, d’ôter les vernis protecteurs et les masques de carnaval qui cachent les secrets d'intimité, les faiblesses de personnalité ou les hésitations dévastatrices.

Qu'est-ce donc qui est vrai dans tout cela ? Les maudits mots dits de Manu à Thibaud ? il les regrette pourtant. L'intransigeance rigide de Thibaud baladant sa rectitude et ses T.O.C ? Lui qui se débat dans un déversement négatif comme pour cacher des non-dits. Et Jeanne, pour qui et pour quoi écrit-elle sa pièce ?

Ah ça mais, nous sommes prévenus avant même que le spectacle commence. Si « le titre est provisoire », le sous-titre nous le dit, il s'agit d'une « comédie inconfortable ». Inconfortable car les étais du récit ne paraissent pas volontairement détourés avec précision, il convient de les deviner. Inconfortable car si l'on n'y prend garde, les personnages semblent se jouer de nous comme il se joue d’eux-mêmes.

Et pourtant, ils nous disent beaucoup de la relation humaine, de la véracité du lien aux autres, de la noblesse ou de la rouerie du sentiment et de la parole. En un mot, il nous parle de sincérité. Cette valeur morale dont la philosophie et la psychologie s’emparent depuis toujours pour interroger, accompagner où soigner ce qui fonde la compréhension et la connaissance de soi donc de l'autre.

Oui, elle est bien intéressante cette comédie inconfortable à la légèreté apparente mais elle est surtout drôle et bien écrite par Christophe Corsand. Le récit file tout le long avec une remarquable fluidité, rebondissant sur des répliques ciselées au traits vifs et au langage contemporain surfant sur la dérision et l'ironie. Les personnages distillent l’air de rien une forme d’empathie dans ce labyrinthe de vérité où il faut se laisser perdre.

Jean-Philippe Azéma propose une mise en scène qui accompagne le texte sans artifices ni effets ajoutés centrant l'attention sur l'essentiel c'est à dire les relations entre les trois personnages.

L’interprétation fait prévaloir le naturel dans chacun des rôles sans en augmenter ni minorer les différences qui les distinguent. Jean-Philippe Azéma (ce soir-là) joue avec finesse un Thibaud bardé de certitudes qui voilent une fragilité finalement troublante. Christophe Corsand est Manu, « le positif », qu’il sait rendre pataud sans lourdeur, lui donnant un aspect bon copain qui sied tout à fait. Magali Bros donne à Jeanne une énergie convaincante, un rien énigmatique, elle nous bluffe ou nous séduit, selon la fin que l’on choisira de retenir. Une distribution complémentaire qui fonctionne à merveille dans le comique mais pas seulement.

Un spectacle agréablement déroutant, drôle, léger mais pas innocent. Très bien joué. Une belle surprise à découvrir au Studio Hébertot.

 

Spectacle vu le 7 avril 2022

Frédéric Perez

 

De Christophe Corsand. Mise en scène de Jean-Philippe Azéma. Décor de Denis Hager et Pascal Jambry.

Avec Magali Bros, Christophe Corsand et Olivier Doran.

 

Jusqu’au 1er mai

Du jeudi au samedi à 19h00 et le dimanche à 17h00

78 boulevard des Batignolles, Paris 17ème

01.42.93.13.04 www.studiohebertot.com

 

Photo © DR

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