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La pièce de Nathalie Sarraute nous cueille, le spectacle nous captive.

 

Malgré une première scène un peu laborieuse et hachurée où les temps semblaient un peu trop écourtés et où l’on ne savait pas si les gênes et les hésitations étaient celles des personnages, le rythme s’est installé et la pièce a pris son envol. Cette crainte du début laisse place au plaisir, le spectacle s’ouvre enfin et fonctionne pleinement.

 

Le texte de Nathalie Sarraute est servi avec adresse, d’une espièglerie sourde qui cache son étrangeté et d’une fluidité habile qui enchaine les propos pour nous surprendre, nous laissant curieux de connaître leur logique ou à défaut leur sens.

 

Une impression de réfléchir sur le fil du rasoir, de laisser nos regards sombrer dans l’abstrait pour en accepter l’insolite. Des rires jaillissent du cocasse des situations, des sourires accueillent les traits de fulgurance du texte.

 

ELLE EST LÀ est la première pièce de l’autrice écrite pour le théâtre (à la suite de pièces radiophoniques), elle est créée en 1980 par Claude Régy.

 

H2 est préoccupé par une idée de F son associée. Il n’a de cesse de vouloir la convaincre de l’en dissuader et de changer d'avis, d’avoir un débat d’idées avec elle. Cette envie le torture. Il prend à témoin H3 et le ligue à ses côtés pour s'attaquer à ce qui fait obstacle à son désir, tel une nécessité. H2 et H3 y arriveront-ils ? comment F réagira ?

 

L’obsession de savoir ce que l’autre pense jusqu’à l’acharnement ; Celle d’en découdre ; Celle de s’approcher de la vérité jusqu’à se confronter au doute ; Se mettre hors de soi au risque de tout violenter ; Le combat entre l’indifférence et la tolérance qui viennent bousculer l’équilibre de ses certitudes et de ses croyances… Autant de positions du moi et de troubles de la perception qui sont ici magnifiquement illustrés par le texte de l’autrice et par le jeu des comédiens.

 

La superbe mise en scène de Agnès Galan apporte au texte un réalisme direct et cru, ne laissant aucune place à l’errance ou à l’onirisme. Elle nous invite à entendre ce qui résonne en nous au vu et à l’écoute de cette pièce. À ce titre, la mise en scène est fidèle à l’expression même de Sarraute : « Le réalisme se déplace. Ce que j’appelle réalisme, c’est toujours du réel qui n’est pas encore pris dans des formes convenues… Je ne prétends pas recouvrir toute la réalité, mais une partie, à un certain niveau, de la réalité. » (2009, entretien avec Jean Ristat).

 

F est jouée finement par Nathalie Bienaimé, elle figure l’indifférence avec une sensibilité froide et adaptée, digne et impassible. Gabriel Le Doze est H2, bouillonnant et tourmenté personnage, il joue de la compulsion comme de la peur de se tromper et d’être trompé, avec la vigueur et la fragilité qui conviennent. Mais la surprise vient de l'éclatant Bernard Bollet, magistral H3. Il nous intrigue et nous tient en haleine tout en sachant s’effacer lorsqu’il le faut, un fichu bon jeu.

 

Un spectacle déroutant et riche, une mise en scène soignée et de bons comédiens. Un « Sarraute » réussi que je recommande.

 

Spectacle vu le 27 octobre 2018,

Frédéric Perez

 

 

De Nathalie Sarraute. Mise en scène de Agnès Galan. Lumières de Christophe Grelié. Avec Bernard Bollet, Nathalie Bienaimé, Gabriel Le Doze et Tristan Le Doze.

 

Du mercredi au samedi à 19h00
7 rue Véron, Paris 18ème
01.42.33.42.03 www.manufacturedesabbesses.com

 

ELLE EST LÀ à La Manufacture des Abbesses
ELLE EST LÀ à La Manufacture des Abbesses
ELLE EST LÀ à La Manufacture des Abbesses
ELLE EST LÀ à La Manufacture des Abbesses
ELLE EST LÀ à La Manufacture des Abbesses
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