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Un spectacle qui met en lumière avec une agile précision la pièce de Brendon Votipka, déroulant les récits parallèles de trois adolescents allemands au début de la montée du nazisme. Un temps de théâtre comme un cri étouffé et lugubre. Un cri face à l’effroi devant l’horreur. Un cri contre l’oubli. Un cri pour que ne revienne jamais la bête immonde, même si elle rôde encore et toujours, si proche et sans vergogne désormais.

« À l'aube de la deuxième guerre mondiale, entre 1933 et 1938 au cœur de l'Allemagne nazie, trois jeunes adolescents témoignent. Trois personnages qui grandissent en même temps que le nazisme prend son essor. À cette période de la vie, l'adolescence, où ils sont fragiles et influençables, ils sont "jetés" dans la "grande" Histoire et confrontés à des situations qui les dépassent, à des choix lourds à porter. »

Nous sommes plongés dans une histoire où la fiction reflète le réel. Dans un contexte social et politique où tout est possible tant l’incertitude rode et sa puissance règne. L’espoir comme la peur aussi.

Nous sommes devant trois adolescents qui nous livrent leurs propos. Trois chemins de vie, trois destinées… mais pas les trois mêmes lendemains. Ernst, le jour de son entrée dans les Jeunesses hitlériennes, qui espère la sublimation de son identité dans la projection d’un idéal dominant. Rebecca, la jeune fille juive, qui dénonce la soumission à la terreur qui commence à se répandre et qui ne peut qu’être combattue ou cacher pour préserver sa vie. Marianne, qui rêve de rejoindre la Ligue des jeunes filles allemandes, prise entre la crainte et le doute de ce qui est juste et ce qui est imposé.

À quel modèle devront-ils se conformer ou s’opposer ? En pleine adolescence, quelle sera la sortie de ce tunnel éclairé de croyances, d’espérances et de renoncements ? Pourront-ils s’affirmer ou devront-ils se soumettre ? À quels devoirs se rattacheront-ils ?

Au fil de la pièce égrenée en tableaux, la peur envahit progressivement la narration, laissant monter en pression l’horrifiante réalité aux côtés de son dégoût. La Mémoire est inlassablement rappelée à notre écoute et à notre regard, charriant des émotions ténues et tenaces, vives et agrippantes. Des émotions qui nous touchent. Des émotions que nous ne pouvons pas nous retenir de faire nôtres.

La mise en scène de Anne Hérold assistée par Sarah Waroquet (qui signe également une bande son implacable et troublante) donne au texte une percussion intrusive qui ne fait aucune concession à la réalité dite et montrée. Les choix judicieux de l’épure discrète des mises en situation (éclairées avec précision et dans l’allant par Thibaut Hok) et la direction des jeux viennent renforcer le réalisme naturaliste du récit et en exalte la dimension de témoignage.

Les comédiennes et les comédiens Noé Bennehard, Julien Delanoë, Maurine Dubus, Mathilde Freytet et Marie Six de Dieuleveult jouent avec un total engagement, sans jamais sombrer dans la démonstration. À noter en particulier Julien Delanoë, un comédien qui montre une palette de jeux variée, de la brutalité à l’émotion, avec une aisance et une justesse remarquables. Et surtout Mathilde Freytet, qui incarne littéralement Rebecca tout en évidence avec une fougue convaincante et une maitrise précise des émotions. Une jeune troupe alerte qui contribue à rendre fluide et accessible un texte fort.

Ce spectacle est un incontournable rendez-vous avec l’Histoire, d’une actualité cruellement signifiante, pour réfléchir et pour maintenir la vigilance nécessaire contre toute forme de discrimination qui veut s’ériger en pouvoir.

Un spectacle admirable et nécessaire, tant par son propos que pour son édifiante représentation, mis en vie avec chaleur et justesse. Du théâtre de témoignage intelligent et agréable. Un spectacle que je recommande vivement.

 

Spectacle vu le 21 février 2022

Frédéric Perez

 

 

De Brendon Votipka. Adaptation et mise en scène de Anne Hérold, assistante à la mise en scène par Sarah Waroquet. Lumières de Thibaut Hok. Bande Son de Sarah Waroquet.

Avec Noé Bennehard, Julien Delanoë, Maurine Dubus, Mathilde Freytet et Marie Six de Dieuleveult

 

Les lundis à 19h30

3 rue Clavel, Paris 19ème

09.75.49.60.56  www.theatre-clavel.com

 

Photo © Jean-Claude Kagan

Photo © Jean-Claude Kagan

Photo © Jean-Claude Kagan

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Photo © Jean-Claude Kagan

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