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Ah quand la Comédie Française joue avec les bas-fonds interlopes du music-hall des cabarets de l’entre-deux-guerres et notamment ceux qui accueillent des revues transsexuelles, ça nous donne à voir des trésors travestis, de la délicatesse étrange, de l’élégance arrogante et racoleuse. Ah ça oui ! Quand les travelos débarquent, les marins taisent leur gouaille ridicule, les souris cachent leurs sourires insipides et le public se pâme, frissonnant par tous les sens, de ce régal brillant d’impudiques tendresses, de cet art osé.

Avec la classe habituelle de la troupe, au-delà du témoignage culturel dénué de clichés, il y a là toute la saveur de la fantaisie et des plaisirs transgressés, portés avec malice par les artistes et accueillis avec une bienveillance rieuse et un rien salace par le public.

Nous sommes tout d’abord dans les loges du cabaret où nous voyons les artistes sans fard ou si peu, nous faisant partager leurs préparatifs. Nous les écoutons nous confier leurs inquiétudes désenchantées, leurs aspirations frustrées, leurs histoires souvent meurtries que les feux de la rampe, le temps d'un spectacle, viennent embraser pour les oublier un peu, pas tout à fait.

Puis débute le spectacle. Nous savourons, étonnés et ravis, une revue étincelante, drôle et pathétique, toute en fracs, en robes chatoyantes et lumineuses, avec paillettes et strass. Revue où défile un florilège de poèmes chantés, de Guillaume Apollinaire à Jean Genet en passant par Paul Valéry et William Shakespeare jusqu’à Juliette Noureddine et des chansons populaires qui ont traversé les générations comme celle qui referme avec finesse le spectacle : « plaisir d’amour ».

Jouée et chantée, contée et dansée, en solo ou à plusieurs, la revue nous enveloppe d’éclats de lumières et nous surprend des caresses de sa poésie. De ritournelles amusées et joyeuses en chansons mélancoliques ou réalistes, ce merveilleux cabaret ne se prive pas de jouer de la dérision ni d'invectiver le public. Son répertoire traverse de nombreux sujets. La liberté d’être et celle d’aimer, la tolérance de l’identité transgenre, de l’homosexualité et de la bisexualité. Une ode au plaisir de vivre comme on le souhaite, tout simplement.

Ce petit bijou musical piqué d’humour coquin et de complicité chaleureuse est admirablement servi par Véronique Vella, Michel Favory, Benjamin Lavernhe et Serge Bagdassarian qui l’a soigneusement écrit et mis en scène. Ils semblent tous vouloir partager leur plaisir et c’est réussi. Un spectacle qui émeut autant qu’il réjouit. Incontournable.
Conception et mise en scène : Serge Bagdassarian. Musiques originales, direction musicale et arrangements : Benoît Urbain. Scénographie et lumière : Eric Dumas. Costumes : Siegrid Petit-Imbert. Maquillages et coiffures : Véronique Soulier-Nguyen. Avec la troupe de la Comédie-Française : Véronique Vella, Michel Favory, Serge Bagdassarian, Benjamin Lavernhe et les musiciens : Benoît Urbain, Thierry Boulanger, Olivier Moret.

 

Calendrier sur le site www.comedie-francaise.fr – Réservations : 01.44.58.15.15 - Galerie du Carrousel du Louvre, Paris 1er
-Photo de Brigitte Enguerand -

-Photo de Brigitte Enguerand -

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