Madeleine et André vivent le bonheur de conjuguer la vie à deux depuis plus de cinquante ans. Un jour survient où un grain de sable porté par un vent mauvais vient se coincer là, au creux de leur vie. Grippant les rouages de leurs habitudes, ébranlant leur quiétude. On ne se passe pas d’un si puissant amour, on s’en prélasse, on s’y délasse, il est indéfectible. Alors malgré la maladie de l’un et le décès de l’autre, ils restent inséparables. Leurs deux filles les soutiennent et les accompagnent dans cette dernière ligne droite qu'ils empruntent tous les deux avant de s’envoler.
Entre rêves et réalité, nous nous laissons porter par des séquences éblouissantes, calmes ou ravageuses, dans un temps qui nous échappe. Nous cheminons parmi les souvenirs familiaux, les réminiscences du bonheur perdu et les confusions liées à la maladie. Le passé et le présent, le désir et la mémoire, la douleur et la joie, tout cela cohabite, se juxtapose, se confronte et se contredit. Mais il reste toujours cette cruelle absence, cet impossible manque.
À nouveau, l’écriture de Floran Zeller nous parle avec précision de l’humain. Il excelle dans la description des sentiments dilués dans les situations et dans les répliques. Il dépeint des personnages crédibles et sait flouter à merveille la réalité qu’ils vivent. La mise en scène de Ladislas Chollat sert le texte avec simplicité, le veloutant presque pour le montrer habilement. Cette histoire d’amour qui ne tarit pas nous cueille dès le début. La tension et l’émotion submergent la pièce. Nous nous sommes laissés prendre.
La pièce a été écrite en pensant à Robert Hirsch pour ce rôle explosant de tendresse et implosant de douleur. Criant de vérité et de justesse, il nous offre-là une nouvelle leçon de théâtre magistrale et mémorable. Il incarne André comme si les frontières entre le personnage et le comédien n’existaient pas. Isabelle Sadoyan est magnifique. Elle nous présente une Madeleine adorable et chaleureuse, nous faisant comprendre qu'on ne puisse qu'aimer une femme comme elle. Elle apporte sa part de délicatesse dans ce couple d’amoureux.
Anne Loiret et Léna Bréban sont remarquables. Entre la dignité meurtrie de l'une et l'effondrement éperdu de l'autre, elles réussissent toutes les deux à nous faire partager la souffrance des deux enfants qui entourent leurs parents, prenant soin d’eux jusqu’au bout. François Feroleto, dans un emploi peu aisé, marche vite et sourit beaucoup. Nous savourons la truculence de Claire Nadeau dont ne sait jamais par quel bout elle va nous entreprendre, nous saisissant à chaque fois.
Un spectacle très bien écrit, débordant d’humanité, dont nous sortons touchés. Un moment très intense.
De Floran Zeller. Mise en scène de Ladislas Chollat assisté de Jeoffrey Bourdenet. Avec Robert Hirsch, Isabelle Sadoyan, Claire Nadeau, Anne Loiret, François Feroleto et Léna Breban.
Du mercredi au samedi à 21h00 et le dimanche à 16h00 – 55 rue de Clichy, Paris 9ème – 01.44.53.88.88 - www.theatredeloeuvre.com