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Écrite en 1897, publiée puis censurée, cette pièce d’Arthur Schnitzler est créée en 1920. De nombreuses adaptations théâtrales et cinématographiques se sont succédées, tant moins pour sa sulfureuse réputation que pour les manifestes propositions de jeux qu’elle représente. La créativité des metteurs en scène et le travail des comédiens y sont à l’honneur.

Dix dialogues entre un homme et une femme composent la pièce. Dix couples différents. Le propos de chacun de ces dialogues est de présenter les préliminaires et le juste-après de l’acte sexuel, à quelques orgasmes près. De la prostituée à l’homme marié en passant par le soldat, la comédienne et l’aristocrate, les personnages vont se succéder d’un couple à l'autre selon une logique proche d’une comptine enfantine, le voisin se retrouve dans le couple de la voisine (ou inversement) pour composer un nouveau duo et ainsi de suite. La farandole nous embarque dans une "ronde d’amour" (titre originel de Schnitzler) dans laquelle nous observons la réalité amoureuse de la société Viennoise de la fin du 19ème siècle, vue par Schnitzler.

La version scénique de Guy Zilberstein et la mise en scène d’Anne Kessler s'emparent du texte avec un parti-pris novateur et une idée aussi audacieuse que magistrale : L’ajout d’un narrateur dont on ne sait s'il guide la ronde ou s'il l'utilise.

Ce personnage est celui d'un plasticien préparant une installation un peu spéciale, construite avec des comédiens qu'il embauche pour jouer dix hypothèses de recherche de ses parents biologiques. Prenant place dans la mise en abyme ou la vivant en parallèle, il commente la ronde, impudique et inquisiteur. Entre didascalies orales et voix off d'un documentaire. Il semble rechercher parmi ces couples une vérité, une découverte, peut-être un apaisement concernant ses propres origines. Cette proposition complémentaire de théâtralisation captive l'attention, suggère des réponses aux questions que pose cette ronde.

C’est d'une ronde des désirs qu'il s'agit. Une quête permanente de jouissances immédiates, d'amours improbables et de bonheurs vains. Tout cela est dévoilé et mis à nue, au sens propre comme au figuré, dans l’intimité d’une chambre, d'un salon ou d’un couloir, d'un jardin ou sur le quai d'un fleuve. Les scènes se jouent sur un plateau rond tournant sur lequel des espaces stylisés servent de décors.

Nous sommes plongés dans un univers onirique où nous nous confrontons à la crudité de rêves malicieux et de fantasmes secrets, entre songes et mensonges, entre élans sincères ou calculés. Les émotions nous font passer du rire au charme, de la séduction à la dévotion, de la désinvolture à la passion. Une riche palette de sensations nous est offerte, présentant la sexualité sous différents reflets, du baiser volé au coït consommé, sans jamais la combler d'amour heureux.

Les comédiens de la troupe subjuguent par la finesse, l'élégance, la précision et l'intensité de leurs jeux. Ils resplendissent dans la légèreté comme dans la gravité des relations entre amants. Ils sont drôles et émouvants.

Une inventivité exigeante et une esthétique réussie rayonnent dans ce spectacle d’une qualité et d'une originalité qui fera sans aucun doute date. Une "ronde" magnifique. Splendide, intimement et spectaculairement beau.

 

D’après Arthur Schnitzler. Traduction, version scénique et scénographie de Guy Zilberstein. Mise en scène et costumes d’Anne Kessler. Lumières d’Arnaud Jung. Son de Dominique Bataille. Travail chorégraphique de Glysleïn Lefever. Maquillage et coiffure de Véronique Soulier-Nguyen. Assistanat à la mise en scène de Rita Grillo. Assistanat aux costumes de Renato Bianchi. Avec la troupe de la Comédie-Française :Sylvia Bergé, Françoise Gillard, Laurent Stocker, Julie Sicard, Hervé Pierre, Nâzim Boudjenah, Benjamin Lavernhe, Noam Morgensztern, Anna Cervinka, Pauline Clément, et Louis Arene.

Du mardi au samedi à 20h30 et le dimanche à 15h00 – 21 rue du Vieux-Colombier, Paris 6ème -  01 44 58 15 15 - www.comedie-francaise.fr

- Photo © Brigitte Enguérand, collection Comédie-Française -

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