Quelle découverte que cette auteure, Irène Némirovky, qui écrivit dans l’entre-deux-guerres, nombre de romans et de nouvelles dont le roman court LE BAL ! Il tarde désormais de lire ses textes.
L’adaptation de cette nouvelle par Virginie Lemoine privilégie le côté féroce et farcesque de cette critique familiale et sociale, cruelle et cynique nous contant l’histoire d’Antoinette qui à 14 ans pensait faire son entrée dans le monde à l’occasion du premier bal organisé par ses parents. Nouveaux-riches parvenus enfin à la possible reconnaissance sociale tant convoitée par Madame, les Kampf organisent cet événement comme on organise une cérémonie officielle, un banquet de notables ou autres sauteries matuvuesques. Sauf qu’à ce bal, il est hors de question qu’Antoinette y assiste. Sa mère est intraitable. Et puis quoi encore ? C’est son plaisir pas celui de sa fille !
Antoinette ponctue l’histoire de narrations confidentes, nous livrant les informations permettant de construire le contexte, horrifiant et ravageur, d’un désamour filial inouï qui n’a d’égal que la sublimation de soi de la mère, cherchant à accéder à ses désirs et à se rapprocher de ses fantasmes dans les outrances extravagantes de son comportement et dans son attitude de marâtre implacable.
Pas de bal pour Antoinette ? Très bien. Et s’il n’y avait pas de bal du tout ?
Cette vie d’enfance à l’amour déchiré, confiée à des gouvernantes pour laisser tranquille maman, toute à ses joies mondaines et ses apparats luxueux deviendra une vie d’adolescente revêche et révoltée où la jeune femme naissante ouvre les yeux aux plaisirs de l'existence et commence à affirmer ses choix.
L’adaptation de Virginie Lemoine, qui signe la mise en scène avec Marie Chevalot, apporte, sans changer une ligne, une théâtralité colorée et au final rieuse à cette satire cinglante et sans concession dont les messages n’ont de léger que l’apparence. Le maillage des séquences narratives avec les scènes jouées donne une retenue distanciée au récit, ne nous faisant pas oublier sa profondeur.
La distribution est d’aise et de dynamisme. À noter la truculente Brigitte Faure en mère indigne et complètement barrée.
Un spectacle drôle et caustique à ne pas manquer. Pour le texte, l’adaptation et les jeux.
D'Irène Nemirovsky. Adaptation Virginie Lemoine. Mise En Scène Virginie Lemoine Et Marie Chevalot. Décor Grégoire Lemoine. Costumes Christine Chauvey. Lumières Roberto Catenacci. Musique Jean-Samuel Racine. Avec Lucie Barret, Brigitte Faure, Serge Noel, Françoise Miquelis et Pascal Vannson.
Du mardi au samedi à 19h00 (relâches exceptionnelles 2, 10, 24, 25, 26 février et 18, 24, 25 et 28 mars) – 6 rue de la Gaîté, Paris 14ème – 01.43.35.32.31 - www.theatre-rive-gauche.com