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Un spectacle délectable, étonnant et détonnant, brusque et rustre, où l’on se fait piéger par la fluidité du récit et l’âpreté des thèmes abordés. Un délice de cascades rebondissant sur les flots de notre raison. Le rire y est caustique et souvent libérateur dans ces nombreux nœuds de l’histoire, mis à plat peu à peu, surprenants et parfois cruels.

Un conte philosophique sur le sens de la vie ? Une fable sur le devoir mortifère de répondre de ses actes ? Nous passons du poème épique au thriller noir par une roublardise d’écriture acidulée, savante et adroite. Pierre Margot semble avoir écrit et mis en scène cette pièce avec une évidente envie de partager des questions, de nous surprendre et de nous faire vivre un récit à tiroirs. Si telle est son envie, elle rencontre notre plaisir.

Mais commençons par le début. Pourquoi donc Manhattan Shaman et Victor Shadoc se sont-ils rencontrés ainsi, sur le banc d’un square rempli d’enfants crieurs ? Sans y prendre garde ? Par un pur hasard ? Allons allons, nous savons depuis des lustres, de Platon à Voltaire jusqu’à Freud, que le hasard n’est qu’une alternative rationnelle à la métaphysique, une cause ignorée d’un effet connu ou une impression à laquelle met fin une accumulation de faits. Il n’y a pas plus de hasard dans tout ça que compote de pommes dans l’armoire de grand-mère !...

Bon, ils se rencontrent. Ou plutôt, Shaman interpelle Shadoc. Mal aux pieds dit-il. Besoin d’aide ou d’autre chose ? On ne sait pas. Pas encore. Shadoc répond à ce SDF et lui propose de le soigner et lui donner de nouvelles chaussures. SDF, Shaman ? Oui pourquoi pas, mais remarquable par ses postures iconoclastes et agressives, magnant l’humour et les questions incongrues à résonance réflexive comme un vieux prof de philo à la retraite qui n’en a plus que faire de ces chiards pleureurs du square et de la gente humaine en général. Et puis, il vit avec des rats chez lui…

De la fortuité de la rencontre, nait une relation épisodique puis soutenue. Ils s’irritent l’un l’autre. Ils s’attirent toutefois. Ils se jaugent. Ils se reconnaissent. Ils… Non. Plus avant serait trop loin. Il faut voir la pièce pour comprendre la fin. Leurs fins ? Notre fin ?

Deux hommes que tout semble opposer et que rien ne rassemble. Deux écorchés de la vie qui se rapprochent pour enfin donner du sens aux écarts de leurs histoires ? Un jeu de domination et de subordination s’établit entre eux jusqu’à échanger leurs places comme pour savourer les délices des limites du soutenable, des seuils de la tolérance et des frontières de la dignité.

Une femme énigmatique vient entrecouper le récit par des logorrhées chantées à la manière des intermèdes du théâtre Antique. Elle scande la progression du mystère conté et le colore d’une poésie épique et complice. Elle deviendra peu à peu un personnage tout entier inscrit dans l’histoire.

Les tiroirs sont vidés, nous comprenons ce qui s’est passé. Le jugement n’est pas lié au hasard. Nous partons avec l’incroyable sentence prononcée : condamné à mourir de vivre.

Un très beau texte. Très bien joué. Un spectacle surprenant et envoutant. À voir sans hésiter.

 

Pièce écrite et mise en scène par Pierre Margot. Collaboration artistique de Claire Guyot. Dramaturgie de Anne Massoteau. Musique de Nathalie Miravette. Lumière de Charly Thicot.

Avec Guillaume Orsat et Pierre Margot, Céline Legendre-Herda ou Julie Allainmat.

 

A noter que l’intégralité des recettes de la production vient

en « opération de soutien » au Lavoir Moderne Parisien

 

 

Jusqu’au 6 mai les vendredis à 21h30 et les dimanches à 17h30

(Relâche le 20 avril)

35 rue Léon, Paris 18ème

01.46.08.46.05 - www.lavoirmoderneparisien.com

 

- Photo © David Krüger -

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