Mais quelle histoire ! ...
Il était une fois l’histoire vraie de deux vrais jumeaux. Partis de rien et parvenus à tutoyer les plus grosses fortunes dans les années 1950 en Grande-Bretagne. Milliardaires et discrets, sans défrayer la chronique, ils amassent toujours plus de richesses, à coup de spéculations et d’investissements chanceux. Une intuition malicieuse, sans doute doublée de roublardise et voilà une belle illustration d’une réussite financière hors du commun, construite et surfant sur les mânes dégoulinants du capitalisme florissant des « trente glorieuses ».
Devenus vieux, dans leur forteresse d’une ile anglo-normande, ils apprennent que leurs filles ne pourront pas hériter de leurs fortunes, en vertu de « droit normand » issu de la tradition médiévale. Quoi ? comment ? Nous ? Et puis quoi encore ?
Nous sommes accueillis par les deux personnages à l’extérieur de la salle. Ils nous invitent à rentrer au salon pour participer à une sorte de goûter « tea time » avec biscuits, thé et whisky (du vrai, si si, je vous le certifie).
Sans cesser d’interpeller le public, les deux frères vont faire défiler parmi leurs narrations, flash-back, photos, vidéo-conférence, invectives, vote... Un tourbillon de situations, de sons, d’images et de jeux pour une farandole de révélations de plus en plus étourdissantes tant elles paraissent illusoires et pourtant.
Écrite et mise en scène par Hédi Tillette de Clermont-Tonnerre, avec une adresse redoutable d’efficacité déclenchant l’intérêt, les rires et la complicité des spectateurs, cette pièce est jouée avec un évident plaisir de partager et un dynamisme formidable. L’ainé de dix minutes (sic !) est joué par l’auteur. Le cadet par Romain Berger ce soir-là. Tous deux lumineux et précis, ils jouent au cordeau avec une pêche d’enfer doublée d’une forte et agréable présence.
À la fois conte, fable et farce, ce récit à deux personnages rappelle la rapsodie de la Grèce antique ou la veillée d’hiver au coin du feu où l’on passe en série les nouvelles du monde. Mais plus encore, nous pensons au théâtre politique, à la manière des mystères bouffes du moyen-âge, repris et perpétués jusqu’aujourd’hui. À une jonglerie populaire à la manière de Dario Fo qui ne manquait pas de conter des histoires en impliquant le public par des adresses frontales, des clins d’œil contemporains et des astuces scéniques efficaces et plaisantes.
Objet théâtral particulier, le théâtre d’Hédi Tillette de Clermont-Tonnerre renseigne, rit et réfléchit, en ne laissant jamais le public de côté. Effets cocasses et sensations curieuses jusqu’à toucher la poésie. Un théâtre proche et instructif, drôle et accessible.
Ce spectacle iconoclaste et prenant est un fichu bon moment.
D’Hédi Tillette de Clermont-Tonnerre avec la participation de Sophie Poirey, maître de conférences en droit normand à l’université de Caen. Mise en scène Vincent Debost et Hédi Tillette de Clermont-Tonnerre. Musiques originales Nicolas Delbart, avec la participation d’Olivier Daviaud. Création lumière Grégory Vanheulle. Création vidéo Christophe Wasksmann.
Avec Lisa Pajon ou Romain Berger (en alternance), Hédi Tillette de Clermont-Tonnerre et la participation de Christian Nouaux.
Du mardi au samedi à 19h00 et le dimanche à 17h30 jusqu’au 26 novembre (relâche les 8 et9 novembre)
75 boulevard u Montparnasse, Paris 6ème
01.45.44.50.21 - www.theatredepoche-montparnasse.com