C’est vrai ça, que disons-nous après avoir dit « ça va ? ». Des banalités qui meublent les convenances ? Des trois fois rien pour ne rien dire du tout ? La pluie et le beau dit-on souvent, des brides du quotidien de nos vies aussi. Un peu vaines de sens, souvent vides de soi et tellement conventionnelles que nous pourrions parler à la place de l’autre, non ?
Et bien chez Jean-Claude Grumbert, cette banalité du quotidien est transcendée pour la rendre incongrue et cocasse. Les absurdités se succèdent au rythme des rires qu’elles déclenchent comme pour nous faire accepter leur vanité et leur prévisibilité.
Elles sont pourtant commodes ces conventions qui glissent sans blesser, ces interstices du temps, ces antichambres de la rencontre. Elles laissent à chacun ou chacune la possibilité de jauger, d’interpréter l’instant fugace qui sépare « ça va ? » de sa réponse.
Et bien non, l’auteur qui fait rire pour ne pas pleurer, nous présente cette fois-ci vingt scénettes où la sublimation du quotidien nous bouscule, nous emporte dans un tourbillon de non-sens et de surréalisme ravageur et désopilant.
Mis en scène par Daniel Benoin avec une fluidité adroite, le spectacle est vif, rythmé et savoureux, laissant toute la place aux trois comédiens pour nous entreprendre avec un dynamisme caustique, une élégance cynique et une pêche de tous les diables. Nous n’avons pas le temps de nous installer dans le thème de la première scène que la seconde commence, traitant d’un tout autre sujet.
Nous voilà ballotés, pris de court et cueillis par les jeux d’excellence de Pierre Cassignard (terriblement fougueux et drôle, sans doute à deux doigts de la démence par moments), François Marthouret (implacable et digne dans son comique qui peut s’abattre comme une sentence qui désarme) et Yves Prat (délicieux et hilarant clown aux allures de poète).
Un fichu bon spectacle, enlevé, drôle et décalé. À voir pour s’enivrer d’un quotidien qui dérape. Ça va ? Oh oui, ça va !
De Jean-Claude Grumberg. Mise en scène de Daniel Benoin. Décor de Jean-Pierre Laporte. Costumes de Nathalie Bérard-Benoin. Lumières de Daniel Benoin.
Avec Pierre Cassignard, François Marthouret et Éric Prat.
Du mardi au dimanche à 18h30 (relâche le 19 novembre)
2 bis avenue Franklin Roosevelt, Paris 8ème
01.44.95.98.21- www.theatredurondpoint.fr