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En cette fin de 19ème siècle, Villiers de l’Isle-Adam étonne avec cette pièce LA RÉVOLTE, tant il éperonne la bourgeoisie quiète et repue de ses certitudes.

 

Créé et joué cinq fois seulement en 1869, ce drame bourgeois dénonce avec force et cynisme la domination masculine, le patriarcat liberticide au sein de la famille qui maintient sous son joug femmes et enfants et la prédominance de l’argent dans la réussite sociale, familiale et personnelle.

 

Élisabeth, l’épouse de Félix, soumise jusqu’alors à sa condition va suspendre tout à coup son destin le temps d’une conversation suivie du départ du logis et de son retour quelques heures après.

 

Cette révolte, cette rupture, cette désillusion d’une femme touchant l’émancipation du bout des doigts, caressant la liberté pour s’approcher du bonheur, nous laissent cois et frustrés. Nous aurions tant voulu qu’elle ne revienne pas.

 

Idéaliste de la première heure, Villiers de l’Isle-Adam écrit ici un texte ciselé, incisif et percutant. La froide démonstration de l’injustice dans l’inégalité de la condition féminine face à l’homme, au droit et aux habitus, est criante de vérité et résonne aujourd’hui encore avec acuité. Il dépeint chez ses personnages les émotions derrière leurs postures, décrivant d’une ironie noire les empêchements implacables et les renoncements meurtris. Le symbolisme de son écriture laisse poindre le rêve exalté, le désir de liberté et le droit au bonheur, nous faisant espérer en vain un autre avenir pour Élisabeth.

 

La rébellion de l’épouse cingle le mari, dans un apparent respect des convenances d’une relation polie et policée, dénuée d’amour. La révolte de la « femme » porte l’espoir pour toutes celles qui ont combattu et combattent pour vivre libres. Élisabeth nous fait espérer par son départ l’exemple, l’exception, la nouvelle chance. Élisabeth nous montre par son retour, malheureuse et soumisse à nouveau, la puissance de la morale et le poids de l’éducation qui rendent difficiles la résistance et le combat.

 

La mise en scène de Salomé Broussky donne à la représentation du texte toute sa force, centrant notre attention sur les personnages, leur déroute, leur errance et leur insupportable retour dans le rang.

 

Dimitri Storoge joue Félix avec une étonnante soumission en forme de faiblesse, nous éloignant de l’époux dominateur attendu par le passé du couple et la situation de rupture.

 

Maud Wyler joue Élisabeth avec un adroit froid glaçant, à l’aune de la détermination de cette femme rebelle mais privée des forces nécessaires. Les rêves d’illusions se voient dans ses yeux. La tension qui monte est palpable, son émotion rentrée dans le renoncement se lit dans son corps jamais relâché.

 

Un beau texte qui surprend par sa force, l’espérance qu’il transporte et sa résonance aujourd’hui.

 

 

De Villiers de l’Isle-Adam. Mise en scène de Salomé Broussky. Scénographie et lumières de Dominique Borrini.

Avec Dimitri Storoge et Maud Wyler.

 


Du mardi au samedi à 21h30

3 rue des Déchargeurs, Paris 1er

01.42.36.00.50  www.lesdechargeurs.fr

 

 

- Photo © Julien Vallon -

- Photo © Julien Vallon -

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