Quand un auteur encore vivant rencontre la metteuse en scène qui prépare la mise en vie de sa pièce de théâtre, que peut-il se passer ? Osmose ou confusions ? Arrachements ou soumission ? Synthèse artistique ou écarts interprétatifs ?
C’est le propos de ce spectacle drôle, agité et réflexif.
Fluides et poétiques, attractifs et souriants, le texte de Guy Zilberstein et la mise en scène de Anne Kessler apportent comme une sorte d’impromptu léger, inattendu et savoureux sur ce qui fait question sur l’interprétation du propos théâtral, de sa représentation et de son incarnation.
La quête de sens, sa perte, son déplacement ou sa dilution sont au centre de cette dispute.
Qu’advient-il donc quand une œuvre passe du statut de genre littéraire dans son acception « d’œuvre dramatique », dans laquelle tout se tient comme un édifice inébranlable, au statut de spectacle vivant dans son acception « d’existence scénique », dans laquelle l’art théâtral fait prévaloir toutes les possibilités d’appropriation, de déclinaison ou de sublimation de la représentation du réel telle que des artistes peuvent s’en emparer ?
Un des personnages de la pièce (le bucheron), l’auteur et la metteuse en scène vont évoluer dans le texte et le faire évoluer, dire et échanger sur ce qui fondent ou pas les coupes nécessaires ou futiles, indispensables ou impossibles, les comparant à l’élagage et l’abatage des arbres d’une forêt.
Un accord entre eux est-il possible ? À qui appartient de décider du devenir d’un texte conçu pour être interprété ?
Anne Kessler met en scène avec une épure bienvenue, sans effets ni mouvements ou éclats superflus. Les propos des personnages sont centraux. Des monologues aux échanges, le texte est souverain.
Serge Bagdassarian (l’auteur) et Anne Kessler (la metteuse en scène) nous montrent avec charme et enthousiasme ce qui se joue entre ces deux adversaires d’un partenariat obligé, avec la délicatesse du doute, de la déception ou du dépit et la fougue de la conviction, de l’intransigeance ou du compromis. Pierre Hancisse (le personnage du bucheron) passe de l’homme des bois à l’acteur qui s’interroge lui aussi avec la simplicité d’une poésie un peu fruste et néanmoins agréable.
Un spectacle étonnant et détonant tant il survient tout à coup dans l’univers du théâtre pour le brosser, l’interroger et au final, l’honorer. Très agréable temps de théâtre, joué avec brio, que je recommande vivement.
Une pièce de Guy Zilberstein. Mise en scène et interprétation : Anne Kessler (de la Comédie-Française). Lumière : Arnaud Jung.
Et avec Serge Bagdassarian (de la Comédie-Française) et Pierre Hancisse.
Du mardi au dimanche à 18h30
(relâches 18 et 20 mars - 1, 3 et 4 avril)
2bis avenue Franklin D. Roosevelt, Paris 8ème
01.44.95.98.21 www.theatredurondpoint.fr