Un spectacle très touchant par sa sensibilité, curieux par les virages qu’il nous fait emprunter dans les détours et les contours de ce labyrinthe où nous nous laissons perdre pour tenter de comprendre et où nous ressentons très vite qu’il se joue là des histoires d’amour et de mort. Des histoires où le tragique vient rendre compte de ses vérités.
Quelle est donc la raison de la mort de luca ? Le saurons-nous vraiment ? Quelle a été sa vie, ou ses vies ? Nous voici confronter à la quête des causes mais avant tout aux raisons de vivre ou de mourir. La pièce est tissée serrée, comme une intrigue policière qui révèle bien d’autres choses de la vie de Luca retrouvé mort, de celle de sa famille, de sa compagne Anna, de son compagnon Léo, qui le pleurent et se cachent pour souffrir.
Luca est mort, il vient nous parler. Il nous parle de sa mort d’abord, son autopsie, son embaumement. C’est troublant, il le fait comme s'il décrivait une scène banale quotidienne.
Puis il nous parle du reste aussi. De sa vie et de ce qu’il laisse à ceux qu’il aime. Comme pour expliquer ce que fut sa courte existence, ses quêtes, ses doutes. « L’espoir est ma seule caresse… l’attente aussi ». Nous montrer combien il a aimé sincèrement, passionnément, intensément ces deux êtres qui ne se connaissaient pas, ses deux amours.
« Ce qui les attend c’est un enfer ordinaire ».
Anna troublée, cache sa douleur pour faire face, autant qu’elle le peut. « Tout est en ordre, il ne reste plus qu’à s’effondrer ». Elle cherchera à découvrir ce qu’il manque pour accepter cette mort. Le saura-t-elle enfin ?
Léo effondré, cherche le répit dans le repli de sa solitude, exclu de toute reconnaissance. « Apprendre la mort de celui qu’on aime dans la rubrique nécrologique ». Que deviendra sa vie désormais ?
Les mots de Philippe Besson, magnifiquement adaptés et mis en scène par Mathieu Touzé, sonnent et résonnent. Ils touchent au cœur et au corps. Ils nous atteignent loin profond, parlant à nos souvenirs, à nos peurs et à nos émotions.
La théâtralité de l’adaptation et de la mise en scène sont réussies tant elles sont inventives, ingénieuses et savent se faire proches, si proches qu’elles en deviennent intimes. La pièce nous captive tout le long. Narrations successives ou entremêlées, souvent accompagnées de musiques superbes, choisies savamment. Des chansons a capella viennent par moments scander la souffrance et nous emportent dans des vagues de sensations houleuses, profondément émouvantes et belles. Comme les vidéos, les musiques et les chansons apportent un relief au récit, sans le paraphraser, en contrepoint judicieux.
Les jeux sont nets, ils distillent une parole troublée, meurtrie et troublante selon les personnages et leurs passages dans l’histoire, avec une sincérité et un engagement époustouflants. À noter le jeu savoureux de Mathieu Touzé, tout en couleurs jusqu’à la maitrise de sa voix particulièrement nuancée. Les deux autres comédiens Yuming Hey ou Geoffrey Dahm et Estelle N’Tsendé ne sont pas en reste, loin de là. La colère, le désarroi, le doute, le renoncement, la résignation, la recherche de résilience et surtout cette immense affection qui se dégage, sont remarquablement interprétés.
Une adaptation et une interprétation réussies. Un spectacle d’émotion comme un coup de poing au cœur, rempli de multiples et de vives sensations. Je recommande vivement cet incontournable spectacle.
Spectacle vu le 17 juillet 2018,
Frédéric Perez
D’après le livre de Philippe Besson. Adaptation et mise en scène de Mathieu Touzé. Lumière de Renaud Lagier.
Avec Manika Auxire ou Estelle N’Tsendé, Geoffrey Dahm ou Yuming Hey et Mathieu Touzé.
UN GARÇON D’ITALIE au Théâtre Transversal
à 10h35 jusqu’au 29 juillet (relâche les 18 et 25 juillet)