Un spectacle succulent de drôlerie se butant contre toutes les portes d’un absurde gaguesque, hilarant et fou, pour laisser passer ses messages.
Oui je sais « il n’y a pas de fous chez les Cariou » mais quand même, la Pauline nous promène tout le long dans un pur délire foldingue, nous bousculant de ses propos salvateurs et saignants. C’est délicieux et croquant, jubilatoire et partageur. C’est vraiment bon.
Entre narrations et scènes jouées façon patchwork, la vie contée de Pauline Cariou nous fait rencontrer sa famille, son travail et ses couples. Nous découvrons ses questionnements existentiels au travers d’une mitraillade franchement drôle de répliques caustiques et ravageuses et d’une kyrielle de situations cocasses et déjantées. Et ce, et malgré la force du trait théâtral, dans une vraisemblance qui nous fait plus que sourire, captivés implacablement devant ce miroir où il est possible de voir des autres nous-mêmes.
Le texte jongle avec les mots, bousculant les images dans une sorte de poétique de la fureur qui nous faire rire et souvent fou-rire. Il y a comme une surprise face à cet abatage féroce et réussi qui pourrait nous laisser pantois s’il ne nous cueillait pas de son humour décapant et son décalage enthousiaste.
Ah, la vie de Pauline, si tu savais ! On ne peut pas ne pas entendre comme elle nous parle sauf à résister à l’évidence. Comme souvent au théâtre, derrière les rires se trouvent des vérités, cachées ou qu’on ne veut plus voir. Et cette Pauline-là, tu vois, elle nous embarque de l’autre côté du miroir.
Quand le poids du conditionnent de la « bonne éducation » et de la conformité à la morale devient trop lourd à porter, n’est-il pas compréhensible que les désirs prennent des chemins de traverse et que l’imaginaire fasse l’école buissonnière pour que le plaisir ne reste à jamais enfoui dans nos fantasmes ? Car la quête de Pauline ressemble de très près à une quête d’émancipation et de liberté, à une recherche de sa part de bonheur. N’est-ce pas aussi les nôtres ? Sans aucun doute, tant elles nous font réagir.
Le texte et la mise en scène de Blandine Bonelli donnent à la pièce des allures qui nous touchent assurément. Nous sommes pris dans un tourbillon rieur et délicatement piquant. Agréable comme une comédie, hilarante comme une farce et réflective comme une fable satirique et sociale. La progression dramaturgique est savamment menée depuis la scène d’exposition jusqu’à la scène finale. Deux scènes essentielles et aussi bien écrites que jouées.
La distribution est pleine d’énergie et joue le comique comme le message sans appui ni « c’est-trop-pas-assez ». Les comédiennes et les comédiens Pia Chavanis (remarquable Pauline), Gauthier Buhrer, Winnie Dhenin, Clément Paul Lhuaire, Lisa Otjacques et Marion Plourde sont adroits, précis et drôles. C'est calé et brillant.
Un moment de théâtre comme on aime, dédié au plaisir du rire mais pas que... Je recommande vivement ce spectacle.
Spectacle vu le 24 novembre 2018,
Frédéric Perez
Texte et mise en scène de Blandine Bonelli, assistée pour la mise en scène par Lisa Otjacques. Création lumières de Théo Guirmand et Patricia Garcia. Création musicale de Raphaël Setty.
Avec Gauthier Buhrer, Pia Chavanis, Winnie Dhenin, Clément Paul Lhuaire, Lisa Otjacques et Marion Plourde.