Cette pièce de Richard Brinsley Sheridan, créée en 1775 et qui fut sa première œuvre, est une comédie de jeunesse et de fougue. Une comédie dans le pur style du théâtre post élisabéthain qui conjugue Comédie de mœurs et Comédie d'intrigues pour mieux prendre ses aises avec l’humour jusqu'à tâter d’un burlesque classieux.
« Pour l’amour d’une belle et riche jeune femme, des hommes rivalisent d’astuces et de mamours pour conquérir le cœur de celle qui est la nièce de Mrs Malaprop, revêche et doux dingue à la fois, une tante qui la couve comme il le sied dans la bonne bourgeoisie anglaise du 18ème siècle. De truchements fourbes en velléités de duels, de promesses d’enlèvements en capilotades, qui parmi ces rivaux sera l’heureux élu ? »
Quiproquos et malentendus, saillies adroites et réparties drôles se succèdent. L’esprit élégant et piquant comme les tournures farcesques s’entremêlent. L'écriture est savoureuse et délibérément « so british » dans la veine du « Wit and Humour » qui convient parfaitement pour croquer de la comédie sentimentale au parfum romanesque.
Un décor stylisé composé de toiles peintes que l'on tire comme des rideaux, quelques accessoires utilitaires, et l’épure de la mise en scène de Anne-Marie Lazarini, toujours aussi soignée et étonnante, est installée. Prête à laisser les personnages nous entreprendre directement, face public souvent, toujours avec une chaleureuse ou espiègle complicité, selon les scènes. Les rôles bien campés sont dirigés avec finesse et efficacité. Les mouvements réduits au nécessaire. Le texte est le maître du plateau, les répliques sont souveraines.
Et ça fonctionne ! Malgré une première partie d’exposition un peu lente, nous allons de sourires en rires, surpris par les rebondissements et les traits d'esprit.
La distribution se donne tout entière dans cette pièce de théâtre de troupe. À noter, la croustillante et brillante prestation de Catherine Salviat, comme toujours, irrésistiblement drôle et tellement juste dans les retenues et les lâchers-prises de cette truculente « précieuse ridicule ». Et celle de Thomas Le Douarec dont la maestria nous subjugue à nouveau.
Une agréable découverte d'une pièce de Richard Brinsley Sheridan, auteur majeur du théâtre anglais, peu connu en France.
Spectacle vu le 5 mars 2019,
Frédéric Perez
De Richard Brinsley Sheridan. Traduction et adaptation de Sylviane Bernard Gresh et Frédérique Lazarini. Mise en scène de Anne-Marie Lazarini assistée par Cyril Givort. Décor et lumières de François Cabanat. Costumes de Dominique Bourde.
Avec Alix Bénézech, Cédric Colas, Charlotte Durand-Raucher, Philippe Lebas, Thomas Le Douarec, Bernard Malaterre, Willy Maupetit, Sylvie Pascaud, Catherine Salviat (sociétaire honoraire de la Comédie Française) et Marc Schapira .