Un spectacle impressionnant, d’une beauté lumineuse, d’un éclat délicat et joyeux, servant avec espièglerie et profondeur à la fois l’illustre pièce de Molière. C’est drôle et captivant.
« Jeune noble vivant en Sicile, Dom Juan accumule les conquêtes amoureuses, les jeunes filles nobles comme les servantes, et les abandonne au déshonneur. À ses côtés, son valet Sganarelle est terrorisé par son insolence et son cynisme. »
L’adaptation théâtrale de Jean-Philippe Daguerre est remarquable. Une adaptation audacieuse, pleine d’espérance et piquée de cynisme, teintée de légèreté comme pour mieux distiller la quête sincère de liberté de ce séducteur chronique tout en montrant son effroi et son refus devant toute forme de contrainte.
La sincérité exigeante de Dom Juan s’expose cruellement et entièrement. Cet épicurien, amoureux de « sa vie », ne semble vivre que pour rechercher l'amour des femmes, s’entourer de beauté et assouvir son plaisir. Ce Dom Juan-là nous fait voyager dans nos fantasmes, nos tabous et nos désirs enfouis, en assistant aux caprices de ce jeune adulte qui ne semble pas vouloir s’acquitter des caprices de l’enfance où l’instantanéité du plaisir prévaut.
La mise en scène et la direction de jeux de Jean-Philippe Daguerre regorgent de surprises, précises et calées au cordeau. Daguerre ose la transposition. C’est heureux et efficace. Nous voici plongés dans l’univers d’un cirque, rien moins. Un univers ici métaphorique où les allégories sont légion, qui convient parfaitement pour suivre les aventures de Dom Juan et de son valet Sganarelle. Univers d’opposition de couleurs, de lumières et de jeux, où le vrai se pare de faux, la vraisemblance semble insouciante, le danger est réel et parfois feint.
Le texte est magnifié par cette mise en vie proche du conte ou plus précisément de la fable. Mise en vie qui montre la provocation dénonciatrice de la pièce avec adresse et explicitation, lui apportant du velours dans les scènes d’émotion, dégageant la rudesse des combats d’idée, entretenant le flou entre le bien et le mal. Antagonisme particulièrement bien rendu dans la dualité du maître et de son valet, qui ressort pleinement de ce parti pris. Le valet Sganarelle serait-il un double, une image inversée, un autre soi-même de Dom Juan, qui lui permettrait de maintenir son équilibre ? Leurs disputes trouveront-elles le chemin du ralliement ? Jusqu'où Dom Juan pourra-il jouer ainsi de la vie ? Y aura-t-il un vainqueur à ce combat-là ?
Une interprétation de qualité qui brille de mille feux. Tout est juste, tout est bon. Nous avons apprécié notamment le stupéfiant Teddy Mélis en Sganarelle, au trouble touchant et au tonus incroyable, et la toujours superbe Vanessa Cailhol, émouvante Elvire et truculente Mathurine. Un esprit de troupe jaillit avec flagrance de cette distribution. Toutes et tous nous tiennent en haleine tout le long. Chapeau bas, mesdemoiselles et messieurs !
Un spectacle étonnant et savoureux. Un travail ambitieux, soigné et réussi. Un spectacle de troupe comme on aime. Un temps de théâtre incontournable que je recommande vivement.
Spectacle vu le 25 avril 2019,
Frédéric Perez
De Molière. Adaptation théâtrale et mise en scène de Jean-Philippe Daguerre assisté à la mise en scène par Grégoire Bourbier. Création et direction musicale de Petr Ruzicka. Costumes de Corinne Rossi. Chorégraphie de Mariejo Buffon. Scénographie de Sophie Jacob. Lumières de Idalio Guerreiro.
Avec Grégoire Bourbier, Vanessa Cailhol, Nathalie Kanoui, Simon Larvaron, Tonio Matias, André-Marie Mazure, Teddy Mélis et Charlotte Ruby.
Du mercredi au samedi à 20h30 et le dimanche à 17h00
Relâche le 1er mai et le 6 juin
5 rue des Vignes, Paris 16ème
01 42 88 64 44 www.theatre-ranelagh.com