
Écrit sur le vif entre 1941 et 1942 par Irène Némirovsky, comme une urgence devant la liberté compromise, le texte percute. L’histoire saisit et nous tient en haleine, en peine et en hargne tout le long.
1941. Madame Angellier est face à nous, là, digne et austère. Elle conduit les rangements nécessaires de la maison avec sa belle-fille et sa domestique avant de se soumettre à la réquisition d’une chambre pour un officier allemand. Son fils Gaston est prisonnier dans un camp de travail en Allemagne. Son hostilité face à cet accueil est farouche et entière.
Dès l’installation de l’officier allemand, la vie change, les relations se bousculent et se transforment.
La haine est motrice, la prudence la rend raisonnable mais le courage, l’amour et la peur de la mort peuvent provoquer et brouiller le cours des choses.
La guerre n’est jamais jolie, jamais, ni pour les uns ni pour les autres. L’occupation, elle, est redoutablement laide. Elle apporte peurs et truchements, vices et calculs, avec son lot d’arrangements avec l’humanité ou du moins le peu qu’il en reste chez des êtres errant dans la folie ordinaire d’un univers que les pires cauchemars ne sauraient illustrer.
Même l’amour est troublé comme une eau agitée. L’affection ne peut la supplanter. Seul le renoncement, la compromission ou le mensonge prennent place alors, à moins de résister.
L’adaptation de Virginie Lemoine et Stéphane Laporte renforce la puissance du texte et permet de ressentir au filtre de l’imaginaire les aléas et les enjeux des situations et des rebondissements.
La mise en scène de Virginie Lemoine, comme à l’habitude, est précise et délicate, et soigne les transformations à l’œuvre chez les protagonistes dans leur perception de la réalité, dans leurs sentiments et dans leurs limites. Le récit est fluide, parsemé de pauses souriantes et maintient avec adresse l’attention du public. Une tension dense est palpable, nous nous attendons à tout.
La distribution est brillante. Chaque geste, chaque mot, chaque regard ou chaque posture sont signifiants. Nous sommes captivés autant par l’histoire que pas les jeux émouvants et engagés des comédiennes et des comédiens.
La grande Béatrice Agenin resplendit dans le rôle de madame Angellier, elle est lumineuse et magnifique, son jeu est puissance et finesse. Époustouflant. Florence Pernel joue la belle-fille, elle est touchante et troublante. Emmanuelle Bougerol campe une domestique tonique et rigolote, Guilaine Londez, une dame patronnesse truculente et drôle. Samuel Glaumé, l’officier digne et troublé. Cédric Revollon (ce soir-là), le paysan convaincant et proche. Une troupe splendide pour une interprétation somptueuse.
Histoire d’amour et de guerre, cette pièce fait mouche. La beauté des images et des émotions font de ce spectacle magnifiquement joué, un moment de théâtre impressionnant. Incontournable spectacle que j’ai plaisir à recommander.
Spectacle vu le 17 septembre 2019,
Frédéric Perez
Du mardi au samedi à 21h00 et matinée le samedi à 16h45
5 rue La Bruyère, Paris 9ème
01.48.74.76.99 www.theatrelabruyere.com