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Cette célèbre pièce maintes fois montée de Tennessee Williams, d’un réalisme cru et intimiste, illustre les propos majeurs et récurrents des premières œuvres littéraires et dramaturgiques du célèbre auteur. Soumettant aux regards des spectateurs ou des lecteurs des personnages rongés par leurs tourments, qui marchent à côté du bonheur, le cherchant avec peine sans trop y croire, tant ils sont meurtris par la solitude et espèrent au travers d'instants volés au présent, vivre enfin des bribes d’une vie meilleure rêvée.

 

« À bout de force, en chute libre, Blanche Dubois saute dans le tramway nommé ’’désir’’ pour fuir les fantômes de son passé. Elle atterrit chez sa sœur Stella pour se réfugier dans les souvenirs de son paradis perdu… Mais Stella est mariée à un ouvrier d'origine polonaise Stanley qui ne supportera pas de voir son quotidien déstabilisé. Ce qui ne devait être qu'une halte de quelques jours se transforme en un long séjour qui n'en finit plus. L'intrusion de cette femme dans la vie si tranquille de Stanley va le pousser à percer à jour les secrets de sa belle-sœur… »

 

Le parti-pris de mise en scène de Manuel Olinger se révèle passionnant et efficace. Il donne judicieusement à voir la pièce dans son contexte d’origine, celui des années cinquante à la Nouvelle Orléans, avec son lot de misère sociale et éducative baignée d’illusions d’avenir, du fameux « self-made » américain, sublimé au plus intime d’une croyance rêvée.

 

Par ailleurs, sa mise en vie fait ressortir avec précision les tensions sourdes ou explosives de la violence qui régit les relations interpersonnelles familiales, dont on connait la part autobiographique prépondérante chez Williams. Elle met aussi en évidence avec force les rapports de machisme ordinaire et de domination implacable, malgré l’affection apparente qui traverse tous les personnages.

 

Ravagés par l'alcoolisme, les relations interpersonnelles et les rapports de force sont autant d’évidences perverties et démonstratives que nous révèle ce climat parfaitement rendu par la représentation. Un climat oppressant, râpant ses rancœurs sur les identités et travestissant les personnalités jusqu’à les annihiler.

 

Un climat qui domine les comportements, les regards et les propos, et qui se trouve pris dans ce qui n’est sans doute qu’un jeu trouble et troublé de désirs retenus ou extravertis de possession ou d’appartenance, d’attirance et de changement. Désir d’être et désir de l’autre s’entremêlent pour confondre la déception et le désespoir des espoirs vains ou perdus. Désirs où la sensualité qui s’oppose à l’immoralité se trouve confrontée à la quête d’une liberté charnelle impulsive qui s’exprime comme un refuge où s’oublier. Une quête de sexualité qui pour s’accomplir défie les tabous d’alors.

 

La scénographie est impressionnante tant elle renforce la vraisemblance. Elle laisse place à la fois au réalisme flagrant des situations et à l’exposé prégnant des désirs. Les lumières de Théo Guirmand viennent plonger adroitement les scènes pour en colorer la temporalité et l’intensité émotionnelle. Chaque élément de décor est signifiant. Tout semble bienvenu et sied tout à fait à l’atmosphère de la pièce.

 

La distribution s’investit au plus haut degré dans les jeux floutés ou denses, rendant poignante cette sorte de poétique, chère à Williams, de la misère affective dévastatrice cheminant tout près de la folie. Les scènes portent tout le poids du malheur qui rode, du sordide qui plane et qui saisit ses proies.

 

Julie Delaurenti est une Blanche stupéfiante, à la riche palette de nuances. Manuel Olinger campe un Stanley magnifique de puissance et de fragilité. Murielle Huet des Aunay (ce soir-là) est une admirable Stella. Gilles Vincent Kapps (ce soir-là) et Jean-Pierre Olinger sont aussi bons comédiens que musiciens. Toutes et tous servent ici avec excellence ce mélodrame, nous faisant partager leurs sensations, nous conduisant avec habilité vers l’émotion. C’est d’une beauté forte et touchante.

 

Un « Tramway nommé Désir » remarquable, saisissant et captivant tout le long. Un spectacle de très belle facture que je conseille vivement.

 

Spectacle vu le 11 février 2020,

Frédéric Perez

 

 

De Tennessee Williams. Adaptation de Pierre Laville. Mise en scène de Manuel Olinger. Lumière de Théo Guirmand.


Avec Julie Delaurenti, Manuel Olinger, Tiffany Hofstetter ou Murielle Huet des Aunay, Philipp Weissert ou Gilles Vincent Kapps et Jean-Pierre Olinger.

 

 

Du mardi au samedi à 21h00 et le dimanche à 19h00

 

34 rue Richer, Paris 9ème

01.40.41.00.00 www.tlsp.paris

 

 

Photo © DR

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