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Une farce sur la solitude ? Une bouffonnerie sur les vacillements qu’elle engendre ? Un contrepoint cynique à la quête ostensible et têtue de liberté ? Ils sont trois, trois hommes, trois corps à bout d’élan, enfermés dans un appartement trop petit pour leurs rêves, trop grand pour leur lucidité.

« Trois colocataires, trois névroses, un quotidien qui déraille : il va falloir improviser. Quand les huissiers frappent à la porte, que les idéaux vacillent et que l’éléphant dans le couloir n’est plus une métaphore, il ne reste qu’une chose à faire : agir… ou du moins essayer. Comme une furieuse urgence pour exister. »

Le monde autour s’effrite. Dettes, huissiers, désillusions politiques, il y a même un éléphant qui attend dans le couloir ! Et eux là, au milieu du désastre, continuent à vivre. Ou plutôt, ils essaient.

Ce texte très nourri de César Duminil, qu’il met aussi en scène, relève du théâtre de la débrouille, une comédie de la chute racontée depuis le canapé. Le texte avance comme un fil tendu entre le tragique et le burlesque, sans jamais choisir de camp. Car s’il y a urgence, elle est souvent décalée, bancale, poussée par des personnages dépassés par ce qu’ils sont, ce qu’ils croient devoir être. On oscille entre l’absurde, le surréalisme, le vaudeville déglingué, mais c’est bien un théâtre de l'instant qui se joue ici. Quand tout part en vrille, que faire, sinon continuer ? À tout prix ? Puisqu’il le faut !

Nous sommes plongés dans une fable du quotidien où la métaphore a décidé de faire irruption. Cette pièce traite de l’effondrement, mais qui ne s’effondre jamais lui-même. Il résiste, comme ses personnages, par l’humour, la rage douce, le refus de céder à l’absurde sans y répondre. C’est un théâtre qui cherche ardemment et irrémédiablement une façon de rester debout quand plus rien ne tient. Parce que oui, il le faut bien.

César Duminil orchestre ce désordre avec une grande précision. La mise en scène est rythmée, souvent physique. Elle épouse les ruptures de ton, les glissements du réel vers l’absurde, les pointes d’émotion qui surgissent à contretemps. Le rire y est constant, jamais gratuit. Il dévoile, il protège, il grince. Il devient le dernier refuge quand tout le reste s’effondre.

Les trois comédiens Eddie Chignara, Pierre Diot et Patrick Paroux forment un trio d’une justesse réjouissante. Chacun défend un personnage taillé au scalpel. Le rêveur coincé dans des idéaux périmés, le pragmatique au bord de la crise de nerfs, l’exalté qui croit encore que l’éléphant est peut-être une solution. Leur complicité fait merveille. Ils bougent, parlent, explosent, s’isolent, se retrouvent. Un ballet de personnages en déséquilibre, qui donne au spectacle une énergie alerte, tendre et chaotique.

La scénographie d’Erwan Creff dessine un intérieur familier, un appartement partagé mais quelque chose y cloche. Rien ne semble à sa place. Les murs sont poreux, les objets deviennent suspects, l’espace se referme lentement comme un piège mou.

Drôlissime, irraisonné et vraisemblable dans nos imaginaires, ce spectacle voisine avec le non-sens pour notre plus grand bonheur. La prestation des comédiens est remarquable. Du théâtre d’acteurs et de situations où la voltige est permanente. Une réussite savoureuse à déguster !

Spectacle vu le 15 juillet 2025

Frédéric Perez

 

 

Texte et mise en scène de César Duminil. Collaboration artistique de Martin Guillaud. Scénographie de Erwan Creff. Création lumière de Carlos Perez.

Avec Eddie Chignara, Pierre Diot et Patrick Paroux.

 

Photos © DR
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