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À la Michodière, la jalousie troque son poison pour des éclats de rire. Sacha Guitry dresse une comédie si fine qu’on se surprend à compatir avec le jaloux lui-même. Et quand Guitry décortique les tourments du cœur, tout devient un jeu d’esprit, une valse conjugale à la fois légère et redoutable. Le texte file avec la précision d’une horloge amoureuse. Sous la direction de Michel Fau, chaque tic devient un sourire, chaque tac une inquiétude.
L’histoire commence simplement. Un mari rentre un peu trop tard, l’air vaguement satisfait de lui-même. Il a fauté et croit déjà avoir bien caché ses traces. Mais son épouse n’est pas encore rentrée. Et là, tout se dérègle. Le soupçon s’invite, la méfiance grandit, et la panique pointe le bout de son nez. La mécanique de Guitry se met en marche avec une cruauté joyeuse parfaitement orchestrée.
Dans La Jalousie, comme dans nombre des pièces de Guitry, la femme tient un rôle central. Ici aussi, les propos et les postures, les silences et les regards de l’épouse rythment la pièce et soulignent l’absurdité des excès masculins, donnant au comique toute sa finesse.
La mise en scène de Michel Fau joue habilement avec la légèreté du texte. Le rythme avance à vive allure. Les répliques claquent, les gestes s’accordent, les regards deviennent des armes. L’humour s’infiltre dans chaque recoin de la pièce, avec ce goût typiquement Guitry, mélange de charme ancien et de modernité malicieuse. On rit souvent, on sourit toujours, on se reconnaît parfois.
Le décor respire la bourgeoisie à la fois cossue et confortable. Canapé, boiseries, rideaux impeccables, tout semble figé dans une perfection tranquille. Ce calme apparent accentue le chaos intérieur du mari. La lumière met en relief chaque soupir, chaque silence. On observe deux êtres prisonniers d’une cage dorée, où la moindre ombre devient suspecte.
Michel Fau incarne le mari avec une énergie pleine de nuances. Il passe du charme à la fureur, de la mauvaise foi à la tendresse, sans jamais forcer le trait. On sent l’homme se débattre avec ses propres mensonges et perdre le contrôle de son petit théâtre conjugal. Sa partenaire, Gwendoline Hamon, fait face avec un mélange de grâce et d’ironie. Elle se délecte du désarroi de son mari tout en conservant une élégance lumineuse. Leur équilibre se crée, vacille, puis se renverse, offrant un duo captivant.
Et puis il y a Geneviève Casile. Cette grande dame du théâtre apporte une touche d’élégance malicieuse. Sa diction limpide et son humour tranquille installent une autorité douce sur le plateau. Chaque apparition semble apaiser la fièvre des protagonistes tout en glissant un grain de sel dans leurs certitudes.
Tous les seconds rôles apportent une belle respiration. Michel Fau sait ô combien les traiter. Leur présence sert de miroir aux protagonistes et donne au spectacle une texture vivante dont le classieux souvent grotesque devient un burlesque rieur. L'ensemble semble couler avec une précision décontractée, comme si le temps s’était arrêté juste pour observer les dégâts d’un soupçon trop bien entretenu.
Ce moment de théâtre offre une savoureuse jubilation. Le texte, plus de cent ans après sa création, garde une efficacité et une justesse étonnantes. Les émotions se succèdent, la salle rit, retient son souffle, puis rit encore. L’ensemble respire la complicité et le plaisir du jeu.
Un spectacle qui nous enveloppe de ce petit vertige délicieux que provoque la comédie humaine quand elle se regarde avec humour dans le miroir. La mise en scène et l’interprétation vives et joyeuses font de cette Jalousie un régal d’humour et de finesse.
Spectacle du 29 octobre 2025
Frédéric Perez
De Sacha Guitry. Mise en scène de Michel Fau. Assistant mise en scène : Quentin Amiot. Décor : Nicolas Delas. Costumes : David Belugou. Lumières : Joël Fabing. Sons : Antoine Le Cointe. Maquillage : Pascale Fau
Avec Geneviève Casile, Alexis Driollet, Michel Fau, Fabienne Galula, Gwendoline Hamon, Léo Marchi, Alexis Moncorgé et Joseph Tronc.
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