Passion pour le théâtre surtout, pour la "Chose Artistique" en général, nous publions ici nos critiques et partageons des coups de cœur. Dans tous les cas, nous ne parlons que de ce que nous avons aimé. Contact : Frédéric Perez, membre du syndicat professionnel de la critique de théâtre, de musique et de danse.
Pas étonnant que cette pièce de David Storey rencontre un si vif intérêt depuis sa création.
Après Claude Régy et Chantal Morel et après de nombreuses récompenses aussi, c'est Gérard Desarthe qui la monte cette fois-ci au théâtre de l’œuvre. Cette pièce est intrigante par son univers, attirante par ses dialogues et impliquante par sa proximité.
Gérard Desarthe nous offre ici une mise en scène simple, totalement au service de ce texte puissant, dans un décor sordide à souhait de Delphine Brouard, tellement qu’on y croit tout à fait.
Nous voici plongés dans ce monde de fous, logé entre l’abstrait et l’absurde. Nous voici livrés aux stupeurs d’un conte de fées où les ogres peuvent être des princes et les fées, des sorcières et inversement… Du théâtre du traumatisme, voisin de Samuel Beckett, d’Harold Pinter, de Sarah Kane ou de Thomas Bernhard.
Les dialogues drôles et tristes nous surprennent à rire ou sourire mais à sentir les douleurs et les souffrances aussi, grâce à une distribution précise et juste. Entre les hommes plutôt calmes, troublés, sensibles, un peu comme des clowns tristes et les femmes plutôt extraverties limites agitées, impudiques et cruelles mais fragiles aussi, piégés par leurs folies, ces cinq comédiens sont terriblement bons et ne nous laissent pas indemnes.
Pierre Palmade, magnifique dans ce rôle dramatique, donne adroitement tout le caustique au personnage de Jack et aux redondances finalement drôles de ses propos. Il joue avec déchirement la proximité qui s’installe progressivement avec Harry, joué avec élégance et trouble par Gérard Desarthe. Vincent Deniard nous livre un Alfred cocasse, mystérieux et paumé.
Carole Bouquet nous surprend dans la cruelle impudeur et le dynamisme hagard de son rôle jusqu’à nous faire rire ou sourire de ses déviances éperdues et vaines de folle joyeuse. Valérie Karsenti est aussi inattendue que sa comparse. Elle nous sert une folle romantique, faisant le lien entre les personnages, tout en finesse et troublante comme les autres.