Passion pour le théâtre surtout, pour la "Chose Artistique" en général, nous publions ici nos critiques et partageons des coups de cœur. Dans tous les cas, nous ne parlons que de ce que nous avons aimé. Contact : Frédéric Perez, membre du syndicat professionnel de la critique de théâtre, de musique et de danse.
Lorsque que le théâtre se confronte à lui-même, lorsque le déroulement d’une répétition bascule dans l’irréel, lorsque six personnages sans auteur viennent provoquer par la démonstration les comédiens dans leurs propres rôles : Où sommes-nous ? Dans un rêve de réalité, dans un vertige de l’illusion ?
Cette pièce de Luigi Pirandello, écrite en 1921, installe à nouveau le théâtre dans le théâtre, créant une parabole savoureuse aux profondeurs infinies, nous montrant avec humour une monstrueuse fabrique à penser le théâtre, à l’observer, à le vivre de l’intérieur. Paradoxe de l’écriture, paradoxe du comédien, nous assistons dans ce combat entre les personnages et leurs comédiens à l’étrange réalité du travestissement théâtral de la vie comme à la puissante efficacité de la représentation scénique ne retenant que l’essentiel. Nous serions ici dans « un monde surréel » écrit le metteur en scène Emmanuel Demarcy-Mota.
La mise en scène inventive et fluide indique sans insistance les moments de trouble, de proximité entre le jeu et le vrai. La distribution magistrale nous accompagne sans nous perdre dans les dédales des sentiments, des ressentiments et des émotions de tous les rôles, personnages ou comédiens. C’est passionnant et grandiose.
Ce spectacle imposant d’adresse et d’efficacité est une illustration de l’écrit de Arthur Adamov, dramaturge surréaliste, adepte du théâtre de l’absurde (contemporain de Pirandello) : « Une pièce de théâtre doit être le lieu où le monde visible et le monde invisible se touchent et se heurtent ».