Passion pour le théâtre surtout, pour la "Chose Artistique" en général, nous publions ici nos critiques et partageons des coups de cœur. Dans tous les cas, nous ne parlons que de ce que nous avons aimé. Contact : Frédéric Perez, membre du syndicat professionnel de la critique de théâtre, de musique et de danse.
« Si le capitalisme m’était conté !… » Non, il ne s’agit pas de la découverte d’un texte posthume de Sacha Guitry ni d’un clin d’œil ironique au grand maître. Cette figure de rhétorique a pour but de résumer l’avis général qui se dégage de ce feuilleton théâtral en trois épisodes et un entracte, dénommé ainsi par l’auteur Stefano Massini lui-même.
Nous assistons au récit de la saga légendaire des Lehman Brothers, qui commence en 1844 et se termine en 2008 aux États Unis. La pièce finement documentée est écrite avec un maillage savant de narrations et de scènes jouées, faisant ressortir l’historique des faits en les posant sur les chemins d’une dramaturgie adroite et passionnante. Les personnages s’exposent au jugement en présentant leurs personnalités et leurs histoires. Les situations permettent de comprendre ce qui s’est passé, en nous renseignant sur l’évolution des contextes. Une écriture efficace, fluide et d’une intensité dramatique soutenue.
La puissance de l’argent, le pouvoir de l’économie, la quête permanente du rendement, des bénéfices, du toujours plus au péril du bonheur et de l’honneur de l’humanité ; L’oubli de l’humain, de l’autre comme de soi ; Le mensonge institutionnel, la politique vérolée. Autant de concepts, autant d’arguments pour décrire les faits et les méfaits du capitalisme à l’aune de cette histoire familiale, politique et financière des frères Lehman.
La mise en scène d’Arnaud Meunier fait le choix d’un plateau épuré, réduisant les décors et les accessoires au nécessaire, labourant le texte pour en recueillir toute sa valeur et sa compréhension dans chacun de ses contextes.
Les comédiens Jean-Charles Clichet, Philippe Durand, Martin Kipfer, Serge Maggiani, Stéphane Piveteau et René Turquois jonglent adroitement avec leurs rôles multiples, sans nous perdre un instant. Ils montrent une palette riche d’émotions et de jeux qui nous captive d’un bout à l’autre de la pièce.
Au-delà du plaisir d’assister à un moment de théâtre intelligent et captivant, doublé d’un beau spectacle, si le capitalisme m’était conté, même si bien conté… Je le verrais toujours avec effroi, avec cette sourde et profonde colère de voir la pourriture vernie de cette richesse amassée encore et encore, confisquée au plus grand nombre.
Du mardi au samedi à 19h00 et le dimanche à 15h00 – 2 bis avenue Franklin D. Roosevelt, Paris 8ème – 01.44.95.98.21 – www.theatredurondpoint.fr