-Tableau d’Edward Hopper-
Avec le temps...
Avec le temps va tout s'en va
On oublie le visag' et l'on oublie la voix
Le cœur quand ça bat plus c'est pas la pein' d'aller
Chercher plus loin faut laisser fair' et c'est très bien
Avec le temps...
Avec le temps va tout s'en va
L'autre qu'on adorait qu'on cherchait sous la pluie
L'autre qu'on devinait au détour d'un regard
Entre les mots entre les lign's et sous le fard
D'un serment maquillé qui s'en va fair' sa nuit
Avec le temps tout s'évanouit
Avec le temps...
Avec le temps va tout s'en va
Mêm' les plus chouett's souv'nirs ça t'as un' de ces gueul's
A la Gal'rie j'Farfouill' dans les rayons d' la mort
Le samedi soir quand la tendress' s'en va tout' seule
Avec le temps...
Avec le temps va tout s'en va
L'autre à qui l'on croyait pour un rhum' pour un rien
L'autre à qui l'on donnait du vent et des bijoux
Pour qui l'on eût vendu son âme pour quelques sous
Devant quoi l'on s' traînait comme traînent les chiens
Avec le temps va tout va bien
Avec le temps...
Avec le temps va tout s'en va
On oublie les passions et l'on oublie les voix
Qui vous disaient tout bas les mots des pauvres gens
Ne rentre pas trop tard surtout ne prend pas froid
Avec le temps...
Avec le temps va tout s'en va
Et l'on se sent blanchi comme un cheval fourbu
Et l'on se sent glacé dans un lit de hasard
Et l'on se sent tout seul peut-être mais peinard
Et l'on se sent floué par les années perdues
Alors vraiment
Avec le temps ... on n'aime plus.
Léo Ferré, 1971