Ce spectacle de Milo Rau permet une découverte du théâtre documentaire.
Malheureusement le texte, la dramaturgie et la scénographie réduisent le spectacle à des gros plans filmés de comédiens racontant en direct des histoires de migrants.
Il semble que le tir soit loupé et n’atteint pas la cible. L’ennui guette et l’emporte haut la main sur l’intérêt.
Mais que je vous dise…
Nous nous installons, le plateau est ouvert. Le centre est occupé par une structure monumentale représentant un reste de brasier. Au fond, côté cour, quatre personnes, trois hommes et une femme, sont assises sur des chaises et semblent attendre que le spectacle commence. Proche de la rampe, côté cour, une femme est installée derrière une table, devant un ordinateur. Une musique de piano reprend la même mélodie sans discontinuer, un rien agaçant mais cela doit faire partie de la stratégie dramaturgique, me dis-je (car je me dis souvent des choses utiles, surtout pour tuer une longue attente).
Patience Hortense, cela va commencer Dédé !...
Et ça commence (qui a dit enfin ?) ! Les quatre personnes se lèvent et viennent près de la structure pour la retourner (fastoche, ya des roulettes, je te le dis Henri). Ils nous font découvrir l’intérieur d’une pièce modeste, sans doute une chambre ou un studio d’habitation. Ils installent côté jardin des projecteurs pour éclairer cette pièce, Une caméra sur un trépied, objectif pointé vers le centre de la pièce.
La femme et deux hommes s’installent autour de la table de l’habitation, le troisième homme (non ce n’est pas Harry Lime, oublie ça Lisa, nous ne sommes pas dans le roman de Graham Greene !) s’assied sur le tabouret à visse derrière la caméra et met au point l’objectif sur l’une des trois personnes présentes dans la pièce.
La tension est à son comble, que va-t-il se passer ? de quelle histoire s’agit-il ? les aveux d’un meurtre ? ceux d’un trio amoureux qui va promettre de normaliser la situation ? une chanson a capella façon Barbershop relatant les péripéties du voisinage ? Et bien non Edmond, rien de tout cela Maria !...
Ils vont raconter chacun leur tour, filmés en gros plans retransmis sur le mur de la pièce où ils se trouvent, chacune de leur histoire de vie d’acteur migrant ayant vécu ou fui des nations totalitaires. Ils vont échanger leur place, y compris celle de l’opérateur (tu comprends maintenant pourquoi le tabouret est à visse, Elvis ?) et ce pendant deux heures ! La jeune femme derrière la table côté cour s’occupe de changer les sous-titrages, les quatre comédiens parlant dans leur langues d’origines.
Qu’avons-nous appris ? rien, les informations transmises sont déjà accessibles (y compris les photos projetées des visages de morts torturés, qui m’ont semblé inutilement racoleuses).
Qu’avons-nous ressenti ? rien, l’information étant connue, aucune dimension fictionnelle ou jouée n’a interpellée l’émotion du spectateur.
Qu’avons-nous compris ? rien sur le théâtre documentaire (je me suis renseigné depuis) car ce que nous avons vu est plus proche d’un sujet documentaire d’Arte que d’un spectacle vivant.
Déception outrageante, expérience ratée, impatience maximale.
Quatre bons narrateurs ne suffisent pas à faire une pièce, deux heures durant.
Je ne peux m’empêcher de penser que dans « théâtre documentaire », il y a « théâtre » donc art vivant…
À oublier, désolément dispensable.