Magistrale trilogie sur la quête identitaire, les chemins pierreux de la migration et de la différence. Drôles et militants, ces 3 spectacles qui se suivent et se complètent nous interpellent tout le long sans nous rendre compte que nous rions de bon cœur, que nous serrons des dents et que nos émotions se noient dans un ensemble théâtral savamment élaboré et admirablement joué.
Mani Soleymanlou écrit et met en scène cette trilogie commencée en 2012 par le spectacle UN où il est tout seul, puis le spectacle DEUX avec Emmanuel Schwartz en 2013 et le Spectacle TROIS avec 36 autres comédiens en 2014. Le parti-pris de l’autofiction s’exprime avec une force scénique impressionnante dans une sorte de dévoilement sincère et prenant, ironique et émouvant.
Dans UN, Mani se présente. Né en Iran qu'il a quitté à 5 ans, il est un Québécois de plus de 30 ans aujourd’hui. Issu d’une migration subie, incomprise puis acceptée jusqu’à rechercher dans ses causes, les valeurs de la justice humaine, de l’oppression des peuples par les puissants et de la soumission au fanatisme religieux. Il est Québécois oui mais les voyages de son enfance à Téhéran se rappellent à lui. Ses souvenirs et l’involontaire pression du roman familial, se confrontent à sa réalité sociale, il ressent une intolérable perdition, un vide identitaire. Il est Québécois oui mais il est qui ?
Dans DEUX, Manu (Emmanuel Schwartz) le rejoint. Est-ce le double de Mani, son alter-égo, son ami ? L’échange à l’ironie ravageuse reprend les propos de UN, les élargit aux autres non-dits des origines personnelles, aux autres perspectives de compréhension portées par la dimension culturelle et éducative du milieu d’appartenance. Si Mani ne sait pas dire s’il n'est que Québécois ou autre, Manu ne sait pas quant à lui s’il est anglophone ou francophone, juif comme son père ou catholique comme sa mère. Tous deux semblent douter. Le doute identitaire, le doute d’appartenance et... le doute de vouloir le savoir.
Dans TROIS, une quarantaine de visions de soi et d'attentes du monde sont exposées, se confrontent et se combattent. Des récits de vie par bribes nous explosent à la figure. Tout se déverse : L’immigration rejetée, les différences indécentes, insoutenables et opprimantes entre les classes sociales, entre les sexes, le machisme, l’homophobie, la xénophobie, le racisme. Qui est donc le plus différent ? Quelle échelle d’importance utiliser ? Quel seuil de tolérance accepter ? Révolution ou involution ?
Entre de magnifiques échanges et d’émouvantes expressions, entre des propos saccageurs et une volonté enthousiaste et enflammée de lutter, nous sommes pris dans une tornade de désespoir et paradoxalement un tourbillon d’espérance. Que faire ? Oui la question se pose. Mais on ne peut pas ne pas agir !
Les 3 spectacles nous cueillent. Le temps est suspendu. Le procédé de mise en abyme quasi permanent permet une complicité adroite et chaleureuse avec le public, jouant des interactions cocasses et des ruptures comiques. Si le rire prévaut toujours, l’émotion et la réflexion suivent et l’ensemble nous embarque dans un temps de théâtre plaisant et intelligent. INCONTOURNABLE SPECTACLE !
Texte et mise en scène de Mani Soleymanlou avec la collaboration des interprètes. Assistance à la mise en scène et régie Jean Gaudreau. Lumière Erwann Bernard. Son Larsen Lupin. Soutien dramaturgique Gustave Akakpo.
Avec Mani Soleymanlou, Emmanuel Schwartz et les interprètes québécois et français : Gustave Akakpo, Jean Alibert, Loïc Bernard-Chabrier, Nil Bosca, Emmanuel de Chavigny, Marguerite Bourgoin, Marco Collin, Anissa Daaou, Geoffrey Dahm, Judith Davis, Noémie Durantou Reilhac, Slim El Hedli, Jean-Baptiste Foubert, Didier Girauldon, Nina Klinkhamer, Jocelyn Lagarrigue, Constance Larrieu, Denis Lavalou, Dominique Leclerc, Julien Lewkowicz, Maïka Louakairim, Agathe Maneray, Jean-Moïse Martin, Matthieu Mintz, David Nguyen, Karine Pedurand, Néphélie Peingnez, Samira Sedira, Lætitia Somé, Elkahna Talbi, Kevin Tussidor, Frankie Wallach, Miléna Wendt, Hichem Yacoubi.
Jusqu’au 31 mars au TGP - du lundi au samedi à 19h30 et le dimanche à 15h00 – 59 boulevard Jules-Guesde, Saint-Denis (93) – 01.48.13.70.00 - www.theatregerardphilipe.com
- Puis à Chaillot du 18 au 22 avril et au Tarmac du 25 au 29 avril -