Un spectacle d’une fraicheur colorée et divertissante, dans une ambiance de jardin d’été où le marivaudage se fait cocasse, tendre et pêchu, à l’ombre des sourires et des émotions des couples d’amoureux transis ou fougueux, selon le côté de l’intrigue dévoilée.
Écrite en 1730, cette pièce n’a de cesse de rencontrer son public tant qu’à ce JEU-là, tout semble fait pour nous plaire et nous laisser surprendre à chaque fois par la malice et la nique que Marivaux réserve aux bienséances des mariages arrangés, à la force du désir amoureux et à la sincérité des amants.
Orgon veut marier sa fille Sylvia à Dorante. Dorante, gentilhomme avant tout mais pas bête pour un sou, veut se faire une idée de la promise sans qu’elle le sache. Il négocie avec son père d’aller se présenter dans la maison d’Orgon sous le déguisement de son valet qui prendra quant à lui sa place.
Mais Marivaux ne se prive pas de donner aux femmes une exigence autre que domestique, aux prémices de l’émancipation qui commence son œuvre ce siècle-là, annonçant Émilie du Châtelet et Olympe de Gouges. Il fait de Sylvia le double inversé de Dorante. Elle-aussi se déguise en Lisette, sa servante, qui a son tour se travestie.
De truchements en découvertes, de sentiments rebondissants en frustrations rentrées, l’amour se confronte au hasard et le hasard à la sincérité. Qui triomphera, le hasard ou l’amour ?
Salomé Villiers s’empare de cette pièce avec fougue et adresse. Elle nous offre une mise en scène pétillante à souhait, des jeux de comédie réglés à pleine puissance sur l’émotion, le trouble et l'ironie. La tendresse délicate des scènes d’amour ressort avec justesse. Elle joue elle-même une magnifique Sylvia, convaincue et convaincante et dont l’émoi se fond dans cet ensemble harmonieux et rieur.
Des intermèdes vidéos nous montrent les personnages dans le contexte des scènes, illustrant leurs sentiments avec humour ou passion. C’est simple et bienvenu, savamment fait pour servir la légèreté de la pièce et soutenir les passages importants.
Les comédiens Étienne Launay, Raphaëlle Lemann, Bertrand Mounier, François Nambot, Philippe Perrussel et Salomé Villiers, soudés à la manière d’une troupe, servent le texte de belle façon, avec précision, sans le tromper, le hacher ou le soumettre. Ils dégagent toutes et tous un enthousiasme plaisant. Du beau talent.
Une version moderne réussie de cette pièce perfide et délicieuse de Marivaux. Un étonnant et très agréable spectacle à savourer sans modération.
De Marivaux. Mise en scène de Salomé Villiers, assistée de Lisa De Rooster. Vidéos de Léo Parmentier. Avec Étienne Launay, Raphaëlle Lemann, Bertrand Mounier, François Nambot, Philippe Perrussel et Salomé Villiers.
Du mardi au samedi à 21h00, matinées le samedi et le dimanche à 16h15, jusqu’au 6 mai – 38 rue des mathurins, Paris 8ème – 01.42.65.35.02 – www.theatre-michel.fr
Au festival d’Avignon 2017 au Théâtre du Roi René