Pierrot, Samir, Sarah et Tékitoi se retrouvent. Il y a longtemps qu’ils ne s’étaient vus tous ensemble. Quels liens les unissent ? Quels passés les relient ?
Ils sont assis dans la salle d’attente de l’hôpital où leur mère adoptive vit ses derniers instants. Une salle d’attente comme celle où, jeunes enfants, ils attendaient tous les quatre que Manou et Jean, leur famille d’adoption vienne les chercher.
Cette dernière attente ravive la première et déclenche les souvenirs. Ils sont là parce qu’il le fallait, ils sont là pour et après une si longue nuit.
La nuit de l’oubli qui recèle les accidents de la vie, les maltraitances de l’enfance. Longue nuit des horreurs enfouies, des traumatismes pansés mais surement pas soignés avec lesquels il faut vivre pour ne pas souffrir encore et toujours.
La nuit de leurs retrouvailles bien des années plus tard, où devenus adultes, ils reviennent au chevet de Manou. Nuit des peurs que l’on exorcise et de ses non-dits que l’on crève pour laisser s’échapper le trop-plein de douleurs.
Une fraternité conçue dans l’enfance partagée, blottie et réconfortée dans une famille d’adoption semble avoir eu gain de cause sur le naufrage irrémédiable de leurs vies meurtries d’enfants recueillis.
Issues de guerres aux croyances d’espoir, de terreurs aux illusions rédemptrices ou d’abandons sitôt la vie donnée, leurs enfances empêchées ont connu une deuxième chance, ils se sont côtoyés puis rencontrés en tissant une indéfectible affection qui ressemble à l’amour.
Se retrouver à nouveau et évoquer les joies et les peines de chacun, leurs bagarres enfantines et adolescentes aussi. Rire avec la simplicité de la quiétude enfin trouvée. Se dire des choses nouvelles sur leurs nouvelles vies. Se soutenir encore comme avant et sans doute pour toujours, pour dire leurs plaies à jamais ouvertes, ces blessures invisibles et inconscientes qui se rappellent à eux.
Michelle Laurence écrit un texte sensible et prégnant sur le thème de l’enfance rescapée du malheur. Un texte comme une invitation à regarder les autres, les comprendre et les respecter. Les relations dans cette fratrie pas vraiment ordinaire comme les évocations de leurs enfances charrient des brassées d’émotions et de réflexions. Des tableaux posés ici ou là dans l’espace-temps du récit comme des morceaux d’un puzzle font progressivement sens.
La mise en scène de Laurent Natrella enrobe ces quatre histoires de vie qui n’en font qu’une, d’une douce tendresse et d’une infinie délicatesse pour laisser aux situations et aux personnages le rythme et le temps qui leur conviennent. Le passé et le présent se juxtaposent avec fluidité. La direction d’acteurs sans doute travaillée au cordeau permet aux sensations de s’imprimer. Les émotions nous gagnent avec une finesse insidieuse d’une redoutable puissance.
Les quatre jeunes comédiens sont superbes. Maxime Bailleur, Olivier Doté Doevi, Slimane Kacioui et Élodie Menant utilisent une palette de couleurs variées pour composer et jouer leurs personnages avec un naturel et une sincérité qui nous font oublier l’instant théâtral. Coup de chapeau pour cet impressionnant enthousiasme !
Du bel ouvrage pour cette histoire touchante comme un cri d’espérance et d’amour, porteuse de messages sur la tolérance et la résilience.
Un très beau temps de théâtre, à voir et à partager.
De Michèle Laurence. Mise en scène Laurent Natrella, sociétaire de la Comédie-Française assisté de Laure Berend-Sagols. Scénographie et costumes de Delphine Brouard. Lumière d’Elsa Revol. Création sonore de Dominique Bataille.
Avec Maxime Bailleur, Olivier Doté Doevi, Slimane Kacioui et Élodie Menant.
Festival Avignon Off 2017
Du 7 au 30 juillet à 20h30 – 4 bis rue Grivolas – 04.90.82.24.35 – www.theatreduroirene.com