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Un monologue théâtral souriant à la vie, qui ne se prive de la montrer telle qu’elle peut être toutefois. Piquée de privations, de peurs et de frustrations mais aussi, et nous le verrons vite, piquante d’espérances et de plaisirs.

Une femme élégante et belle, au sourire radieux qui sait cacher les blessures et les rancœurs, vient devant nous pour remercier du tailleur jaune reçu en cadeau.

Qui est-elle, cette femme d’ici ou bien d’ailleurs. Cette dame qui, à son pot de départ à la retraite va révéler, au-delà des remerciements, ce que fut sa vie dans l’entreprise et dans son histoire personnelle ?

Femme d’ici ou bien d’ailleurs, You You on t’appelle. Comment distinguer laquelle tu veux nous montrer, laquelle tu es vraiment. Entre l’émigrée yougoslave venue en 1945 à Paris, meurtrie et soumise à la débrouille au péril de sa dignité et la jeune femme sortie de l’ombre à la force de son courage, de sa joie de vivre et du désir ardent de réussir sa vie ?

Qui que tu sois, tu nous parles de tes combats et de tes victoires pour ton intégration. Tu nous touches, tu nous fais rire et sourire, parfois pour ne pas pleurer avec toi.

Le canevas dramaturgique de l’auteur franco-serbe Jovan Atchine pose tout d'abord le cadre formel du discours de You You devant ses collègues. Face au public, les papiers à la main, You You implique les spectateurs par le truchement de l’adresse frontale qui fait de nous les interlocuteurs silencieux de ses propos.

Très vite le cadre échappe à sa rigueur. You you baisse ses papiers comme d’autres baissent la garde. Elle dit alors des paroles vraies. Celles de ses renoncements, de ses observations candides mais acérées. Celles qui énoncent la vérité sur l’expatriation forcée. Celles qui dénoncent le sort réservé aux immigré·es, émigré·es, malgré leur désir et leur volonté.

Le texte construit un va-et-vient adroit et efficace entre le discours de la future retraitée et les digressions nombreuses, copieuses et savoureuses de You You l’émigrée, la femme, l’amante, la mère.

Le témoignage sur le départ nécessaire et douloureux de tous ceux qui comme cette jeune femme de 1945 ont dû fuir la République fédérative socialiste de Yougoslavie créée par la dictature communiste, ne nous laisse pas indemne. Le sentiment de révolte sourde en nous. Le désespoir de ces familles entières parties chercher ailleurs la liberté, au plus loin de leurs racines, ne peut que nous concerner et fait écho encore aujourd’hui.

Ce monologue vibrant, aux allures de confidence, de confession et de délivrance, se fait proche, alerte et joyeux finalement tant You You porte en elle tous les atouts de la résilience qui fait d’elle une femme libre et qui n’oublie pas.

La mise en scène d’Élodie Chanut joue des couleurs et de la suggestion en nourrissant le texte de séquences où Hier et Aujourd’hui voisinent. Le passé surgit de la mémoire comme l’ombre joue avec la lumière. C’est à la fois velouté et franc, onirique et réaliste.

La comédienne Mina Poe nous ravit, dans tous les sens du terme. Elle nous subjugue de bout en bout. Elle fait passer les émotions pour que nous les fassions nôtres, avec simplicité, adresse et une fine délicatesse.

Oui « le Danube n’est pas bleu, il est beau » (sous-titre du spectacle). Il charrie tant de choses. Des souvenirs bons ou mauvais. Du désespoir et des espérances. Des désirs d’idéal et des consciences averties. Comme ce spectacle, « le Danube n’est pas bleu, il est beau et nécessaire ». À voir sans hésiter.

 

De Jovan Atchine. Mise en scène d’Élodie Chanut. Lumières de Pascal Noël. Sons de Marc Bretonnière.

Avec Mina Poe.

 


Du mardi au samedi à 21h00 et le dimanche à 15h00

78 bis boulevard des Batignolles, Paris 17ème

01.42.93.13.04 - www.studiohebertot.com

 

 

- Photo © Pascal Gely -

- Photo © Pascal Gely -

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