L’histoire se déroule dans un univers glauque de polar noir où la drôlerie saute aux yeux tout à coup, côtoyant une tristesse prévisible et un possible écœurement obscur où sourde une colère lancinante.
Une histoire qui n’est pas vraiment une romance d’amour, loin s’en faut, mais qui nous tient en haleine, en tension et en intérêt tant le spectacle se fait intrusif, prenant et se montre intelligemment ficelé dans une mise en scène particulièrement adroite de Wally Bajeux.
Qui a tué cette jeune fille, à coups de pieds au ventre et au visage ? Celle que Boy a vu après son accident de voiture à la sortie d’une boite de nuit ? L’enquête le dira-t-elle ? Que révèlera-t-elle d’autre ?
Fausto Paravidino écrit cette pièce en 2002. Derrière une énigme policière bien tournée, il interroge les valeurs morales de la société et la volonté politique qui la conduit, l’éducation de la jeunesse et la culture populaire qui la fonde.
D’une écriture crue et cynique, mélangeant narrations et jeux souvent dans les mêmes paroles, Paradivino cultive un réalisme révolté et dépeint la société jusque dans ses contours les plus vils et provocants. Tout en préservant, et c’est là son intérêt curieux, une théâtralité vivace ne laissant pas les spectateurs passifs dans leurs émotions et leurs pensées.
Histoire trouble et troublante qui montre des jeunes gens éperdument troublés, pour qui peu de raisons d’être et de repères pour s’identifier jalonnent la vie. Jeunes gens entourés par des adultes qui apparaissent tout autant démunis et dont l’autorité ne connait pas de maîtrise.
Perte ou absence de valeurs, qu’est-ce qui a été oublié dans ce puzzle social ? De quelles privations et de quelles rencontres empêchées ou stigmatisantes ces jeunes et ces moins jeunes ont-ils été les victimes ou les cibles ?
La violence, la drogue, le sexe ou la peur se substituent à la passion, à l’amour ou à la raison pour justifier cette déchéance triviale qui animent les personnages et qui semble issue des pulsions les plus sordides et macabres. Cette déliquescence de tout sens moral comme cette plongée dans la banalité du rapport de forces semblent nourries d’une implacable incroyance dans des valeurs humaines, s’éloignant de toute altérité, de compassion ou d’empathie pour l’autre. Les éloignant les uns et les autres de leur droit au bonheur.
La mise en scène de Wally Bajeux sert avec intensité et vibration la puissance de l’intrigue. La précision est au cordeau. Aucun effet inutile ne vient trahir la véracité de la pièce qui est donnée avec la simplicité de ses atouts percutants. Dans un décor épuré de paravents noirs, de lumières efficaces, les jeux sont calés et servent la force du récit avec justesse. Les comédien·ne·s sont remarquables d’engagement.
Un fichu bon temps de théâtre où l’émotion, le suspense et la réflexion se conjuguent. Un polar théâtral agréable et captivant.
De Fausto Paravidino. Mise en scène et scénographie de Wally Bajeux.
Avec Wally Bajeux, René Carton, Nicolas Jean, Isabelle Kern, Julien Girault, Victor-Hugo Perera et Morgan Rouchy.
Les mercredis à 21h30
38 boulevard de Bonne Nouvelle, Paris 10ème
01.42.46.79.79 www.theatredugymnase.com