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Un spectacle audacieux, chaleureux et accessible pour découvrir Jean Mantelet, sa vie, son œuvre ou la fabuleuse histoire d’un bricoleur autodidacte imaginatif devenu l’industriel que l’on sait, le créateur du moulin à légumes et de la firme Moulinex.

 

La pièce commence en 1932 en France. Le tissu industriel relève plus de l’artisanat agrandi en fabrique où la volonté de croitre se conjugue encore avec des valeurs humaines, à l’instar des usines patriarcales de la fin du 19ème siècle.

 

Nous voyons peu à peu, sous nos yeux de spectateurs touchés par la décrépitude d’un patron à l’ancienne, se transformer ce modèle ancestral à forte dimension affective en un modèle unique aujourd’hui répandu à l’échelle mondiale, dans lequel la spéculation financière guide les choix et le travail n’est plus une valeur mais un outil de production rentable et impersonnelle.

 

Une étonnante et puissante dramaturgie se dégage du texte de Simon Grangeat, documenté, implacable et sans pathos. Tout est dit, tout est montré. La mise en scène de Claude Viala décrit d’une finesse au scalpel et d’une efficace théâtralité, le climat, les désirs d’invention, la condition ouvrière et le développement ravageur d’une entreprise finissant par plier sous les lois du marché de l'économie de profit. Avec l’adresse des détails, des changements d’époques et des transformations de situations à vue, nous cheminons dans le récit avec émotion et intérêt.

 

Nous sommes cueillis par la dimension humaine de cette épopée. La dévotion de Jean Mantelet pour ses recherches, qui rassemble autant le désir de création et d’invention que la soif de pouvoir et de puissance ; La naissance du rapport au travail salarié dans les provinces reculées où la paysannerie prévaut ; L’aliénation ouvrière soumise aux commandements cyniques et délétères de chefaillons aux pratiques douteuses et répandues pour lesquelles l’ordre donné est incontestable, alliant humiliations et privations punitives.

                                     

Nous assistons à la fin d’un empire, d’une aventure humaine, d’une illustration d’un passé industriel révolu. Moulinex est rongé progressivement puis brisé par les grands argentiers qui prennent en charge le démantèlement de la société pour se répartir les bénéfices au mépris des salariés qui ne comptent pas plus que les machines devenues inutiles.

 

Joué avec une conviction pugnace et intense exprimant les espoirs comme les souffrances, avec une justesse et un engagement remarquables par Julien Brault, Loredana Chaillot, Hervé Laudière, Carole Leblanc, Véronique Müller, Christian Roux et Pascaline Schwab, ce spectacle sert une partition sociale et politique avec un sens aigu de la transmission.

 

La beauté artistique de l’ensemble tient autant du texte, de la qualité des jeux, des astuces scéniques bienvenues et d’une évidente volonté de partage. Un spectacle réussi, nécessaire et agréable que je recommande vivement.

 

 

De Texte de Simon Grangeat. Mise en scène de Claude Viala assistée d’Hervé Laudière. Scénographie de Shanti Rughoobu. Musique Christian Roux.

Avec Julien Brault, Loredana Chaillot, Hervé Laudière, Carole Leblanc, Véronique Müller, Christian Roux et Pascaline Schwab.

 


Jusqu’au 29 novembre

Du mercredi au samedi à 20h30 et le dimanche à 17h00

78 rue du Charolais, Paris 0ème

01.43.40.44.44 - www.theatredelopprime.com

 

 

- Photo © Théâtre de l'Opprimé -

- Photo © Théâtre de l'Opprimé -

- Photo © Théâtre de l'Opprimé -

- Photo © Théâtre de l'Opprimé -

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