Une version hallucinante de l’étourdissante pièce de Eugène Ionesco, créée en 1955. Nous plongeons dans l’absurde le plus total, le plus fou, le plus jouissif. Si Ionesco se retourne dans sa tombe, c’est qu’il rit !...
Les personnages marchent ou sautillent, glissent ou sursautent, dansent ou chancellent, c’est selon. Comme des pantins désarticulés rompus au désarroi de leurs destins ou des bouées flottantes dérivant sur les flots de la dérision, de l‘outrage langagier et de l’impossible réalisme de l'imaginaire.
Personnages irréels et pourtant si vrais, croisés à coup sûr dans nos rêves ou dans nos peurs, dans nos désirs ou dans nos frustrations. Ces gens d’ailleurs qui viennent ici nous faire rire et craindre, nous content par la farce l’histoire de Jacques, l’insoumis jeune homme face à son mariage arrangé.
Jacques mangera-t-il des pommes de terre au lard ou se mariera-t-il ?
Une caricature du drame bourgeois aux allures de nique qui pique, finement vacharde et un rien mordante, qui se gausse des prescriptions de vie de tous bords, notamment celles de la parentèle et des conventions rituelles de l’ordre établi.
«…
J’ai été pour toi plus qu’une mère,
une véritable amie, un mari,
un marin, une confidente,
une oie.
… »
La parole chez Ionesco n’est pas de trop, elle est en plus. Les situations tarabiscotées mais crédibles, sorties tout droit de l’ordinaire, deviennent avec le langage de l’absurde, ingouvertantables et imprévisitionnées.
« …
- C'est un chapeau.
- Oh, enlevez le, Jacques. Mon Jacques. Chez moi, vous serez chez vous. J'en ai, j'en ai tant que vous voudrez, des quantités !
- ... de chapeaux ?
- Non... des chats... sans peau !
…»
Nous sommes surpris de bout en bout par le texte et par ce spectacle que Christophe Collin met en scène avec une originalité stupéfiante tout en restant toujours fidèle à l’esprit de l’auteur.
Le parti-pris du déséquilibre est savoureux et bien vu. Le décor, les mouvements, les postures, les entrées et sorties des personnages, tout semble décalé et nous tient en haleine, guettant ce qui va suivre. Si le hasard du texte nous captive, la mise en scène et la direction de jeux nous subjuguent tant elles sont remarquables et réussies.
C’est désopilant et très bien joué. La distribution toute entière est brillante. Une magnifique scène finale conclue ce spectacle magique et merveilleux.
Un Ionesco comme il est rare de voir. Un spectacle mémorable qui honore le Théâtre de l’Absurde. Incontournable temps de théâtre que je recommande vivement.
Une pièce de Eugène Ionesco. Mise en scène de Christophe Collin. Création Lumière de Dominique Breemersch.
Avec Edouard Bioy, Santiago Bordils, Maria Calamela ou Manon Chaigneau, Marie-Laure Cottard, Bertrand Festas, Lucilla De Cola, Catherine Destriteaux et Serge Schiro.
Les jeudis à 19h45 – Le samedi 10 février à 21h30
(attention aux relâches les jours de Pommes de Terre au Lard)
95 boulevard Saint-Michel, Paris 5ème
01.55.42.92.97 www.comediesaintmichel.fr