Pièce en un acte de Jean Genet, écrite en 1955 et jouée pour la première fois après la mort de l’auteur en 1989, ELLE est un précipité des thèmes transgressifs chéris par l’illustre dramaturge tout le long de son œuvre.
Perversion revendiquée, Anticonformisme affiché. Travestissement du genre comme de la pensée. Homosexualité insolente, criarde et provocante. Trivialité des situations, crudité de la langue, univers interlope… Jean genet se complait ici à arracher les codes de la bienpensance pour jeter en pâture son propos, son histoire et ses messages. Et tant pis si cela choque, ou tant mieux.
Précédée d’un prologue édifiant sur la sexualité du pape (« Juliette et le pape » du Marquis de Sade) qui introduit ad hoc la pièce de Jean Genet, ELLE sera suivie d’un épilogue-manifeste (« À un pape dans La Religion de mon temps » de Pier Paolo Pasolini). Espiègles et drôles, intelligents et majestueux.
ELLE, sa sainteté le pape, doit se soumettre à une séance de photo pour inonder une partie du monde de son image. Son image ? Mais n’est-ce pas plutôt son absence d’image qui représente le mieux son aura, son pouvoir et son existence ? Telle est la question posée.
ELLE est entourée par des personnages troubles bien évidemment. Le photographe humble et sans doute aveugle, l’huissier stricte aux allures de sadique jouant du fouet et un cardinal dérouté et déroutant dans ses appâts de travesti apostolique partant pêcher sans son chien.
« L’habit ne fait pas le moine » ? Sans aucun doute ! Nous avons là une magnifique illustration de ce que l’image peut cacher, de ce qu’elle contient d’irrévérencieux et d’irrévélables dans d’impossibles réceptacles !... Que la pièce s’empresse de montrer avec la plus furieuse et élégante impudeur, de celles qui se rit de choquer, obligeant le regard à penser et à admettre la vacuité d’un symbole comme la vanité de son pouvoir.
L’image du pape vaut-elle plus que son identité ? La transgression présente ici la question en la sublimant et donne au doute une valeur essentielle.
L’insolence rivalise avec la provocation. La bienséance ne peut soumettre le propos, le discours est lancé. Religion, morale, normalité, tous les codes culturels politiquement corrects vont exploser un à un, se dénuder tout à fait.
Alfredo Arias fait des miracles. Le spectacle qu’il réalise de la pièce de Genet explose d’une redoutable et criante verve pamphlétaire. Le rire flirte avec la subversion, les sourires jouent avec l’ironie. Nous en prenons plein les yeux, car c’est très soigné et très beau. Plein les idées, car c’est décapant et ravageur. La pensée semble trouver là une alliance bienvenue et bienfaisante dans un espace émancipé et libérateur.
Calé au cordeau, comme d’habitude chez Arias, tout est fait, de la mise en scène aux lumières et aux costumes jusqu’aux jeux des comédiennes et des comédiens pour nous ravir par ce spectacle grandiose et ce texte magnifique. Incontournable !
Une pièce de Jean Genet. Mise en scène et scénographie Alfredo Arias. Collaboration à la scénographie Elsa Ejchenrand. Costumes Pablo Ramirez. Lumière Jacques Rouveyrollis. Vidéo Alejandro Rumolino. Son Thierry Legeai. Musique Diego Vila. Assistants à la mise en scène Olivier Brillet et Luciana Milione. Assistante lumière Jessica Duclos.
Avec Alfredo Arias, Marcos Montes, Adriana Pegueroles, Alejandra Radano
Jusqu’au 24 mars
Dates et horaires des représentations sur le site du théâtre
7 rue Boudreau, Paris 9ème
01.53.05.19.19 www.athenee-theatre.com